Magazine Humeur

Louons maintenant les collectionneurs

Publié le 04 octobre 2008 par Fuligineuse

kostakis.jpg

L’histoire de George Costakis est l’un de ces petits miracles que le monde de l’art nous offre parfois. Ce fils d'un commerçant grec installé à Moscou était né dans cette ville en 1912. Modeste employé (chauffeur) à l'ambassade de Grèce à partir de 1929, puis à l'ambassade du Canada à partir de 1943, dépourvu de toute éducation artistique au départ, il s’est intéressé à la peinture russe, dans le sillage de ses patrons diplomates, et a commencé durant les années 40 à se constituer une collection privée. Après la découverte en 1946 du travail d’Olga Rozanova, qui lui a fait une forte impression, il s’est attaché aux héros de l'avant-garde russe des années 1920 (en particulier Malévitch, Popova, Rodtchenko, Klioun, Zverev). Il a réuni ainsi de nombreuses œuvres des écoles constructivistes et suprématistes.

Au début des années 1970, le monde occidental découvrait dans la presse les photos de son appartement moscovite et se demandait comment une collection d'une telle importance avait pu être constituée librement en URSS… Certains ont même supposé que Costakis était une taupe à la solde du KGB. En 1977 Costakis quitta Moscou pour venir s’installer en Grèce (où il mourut en 1990). Il avait passé avec les autorités soviétiques un accord prévoyant de laisser la moitié de sa collection à la Galerie Tretyakov de Moscou. En 1997, l’Etat grec a racheté 1275 œuvres (j’ignore si cela représente la totalité des œuvres restées en Russie) qui font maintenant partie de la collection permanente du Musée d’Art Contemporain de Salonique.

kliun_suprematist_composition_vi.jpg
Ivan Klioun, Suprematist Composition N6


Une sélection de ces œuvres a été présentée cet été sous le titre « Cinq saisons de l’avant-garde russe » au Musée d’Art Cycladique d’Athènes (qui, en plus de sa collection permanente – et absolument remarquable – d’art préhistorique des Cyclades, organise des expositions temporaires). Limitée en nombre mais bien choisie, elle permet de voir des passerelles avec toutes les tendances picturales du 20e siècle. J’ai particulièrement admiré les œuvres d’Ivan Klioun, élève de Malevitch, que l’on voit au fil des années évoluer vers un dépouillement de plus en plus puissant…

kliun_red_light.jpg
Ivan Klioun, Red Light

C’est tout de même formidable ce que peut faire la passion d’un homme. Costakis aurait pu se contenter de conduire son ambassadeur et de boire de la vodka avec ses collègues chauffeurs. Au lieu de ça, il est devenu une figure marquante du monde de l’art du 20e siècle.

Fuligineuse

Sources : bio Costakis = Encyclopedia Universalis et Wikipedia anglaise

Images Klioun : site Russian Avantgard


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine