la jolie boutique du marché Saint-Pierre... ou Dani W

Publié le 03 octobre 2008 par Ohlebeaujour

rue Charles Nodier 75018 Paris


Dani avait une boutique de très beaux tissus au marché Saint-Pierre à Paris. Elle désespérait de
la vendre. Mais surtout, elle désirait transmettre son savoir, ses trucs, sa passion. A quiconque avait envie de reprendre l’affaire. Une boutique jolie comme tout, en bas du Sacré-Cœur. Elle était prête à former quelqu’un gracieusement. Pendant un an s’il le fallait. Elle ne serait pas partie le cœur déchiqueté. Mais non. Personne n’a voulu de son fonds de commerce. Ou plutôt si. Un gros qui a mangé un petit. Une enseigne qui a avalé la jolie petite boutique de Dani.


Comment j’ai connu Dani ?


C’est une belle histoire comme j’aime les raconter. Une rencontre. Une belle personne.


C’était il y a quelques lunes. J’habitais au 194 rue Marcadet, à l’angle de
la rue Damrémont, dans le 18ème arrondissement. Ma propriétaire a vendu le studio que j’occupais depuis trois ans. J’aurais pu l’acheter. Mais j’avais d’autres préoccupations. J’étais un oiseau sur la branche, le locataire qui faisait le tour du propriétaire à la future acheteuse ! Et cette dame qui a passé le seuil de "mon" studio, élégante, grande, très grande, charismatique, c’était Dani. Je n’ai pas pu m’empêcher de parler théâtre. Nous avons échangé nos téléphones. « Passez à la boutique, ça me fera plaisir ! » avait-elle insisté. Je ne compte pas le nombre de fois où je m'y suis rendu, où nous avons refait le monde, où nous avons ri à gorge déployée. Elle me confiait ses petits secrets, ses colères. Je lui ai présenté Nicole, Martine, Noel. De déjeuners en dîners, mes amis sont devenus ses amis.


Bientôt deux ans que nous ne nous sommes vus et j’entends encore son rire tinter dans mes oreilles. Ses histoires de théâtre, de tournées rocambolesques avec les plus grands, le drame de sa maman de quatre-vingt-dix-sept ans qu’elle visite tous les jours à la maison de retraite, les tissus, échantillons chamarrés, coupons, mètres de velours chauds, de satins qu’elle m’a donnés quand nous fourragions au sous-sol, quelques mois avant la vente de
la boutique. Un crève-cœur.


« Oh, Laurent, tu me fais rire ! » s’exclamait-elle quand je lui narrais quelques unes de mes péripéties.


Ce soir, je pense à elle, à sa maman, à leurs solitudes, aux moments savoureux passés et à venir. J'ai hâte de la revoir.