De la politique monétaire (dix)
Publié le 06 octobre 2008 par SaucratesRéflexion soixante-quatre (5 octobre 2008)
Après l'adoption du plan Paulson aux Etats-Unis, un point sur la crise financière ...
La crise financière est l'occasion pour de nombreux commentateurs de l'actualité de lancer une critique virulente du capitalisme et de l'économie en général ... L'adoption du plan Paulson (du nom du secrétaire d'état au Trésor de Georges W. Bush ... Hank Paulson) par le sénat et la chambre des représentants des Etats-Unis, et de son méga-fonds de defaisance de 700 milliards de dollars, nous permet d'observer les différences existant entre l'Europe et les Etats-Unis ...
Les Etats-Unis, qui ont défendu le crédo du libéralisme à tout crin depuis des décennies, se rallient aujourd'hui à un capitalisme étatique. Il leur permet accessoirement de se doter d'un fonds souverain dont la puissance de frappe équivaudra à celle des principaux autres fonds souverains étrangers, de la péninsule arabe ou du Sud-Est asiatique ... Ce fonds doté de 700 milliards de dollars, sans compter les fonds déjà utilisés pour nationaliser Freddy Mac, Fanny Mae ou AIG, leur permettra de sécuriser leur système bancaire national, en évitant qu'il tombe tout entier entre les mains de groupes étrangers ou ennemis ... Ce fonds suffira-t-il à empêcher un crash financier aux Etats-Unis et par contagion dans le reste du monde ? Les pertes que ce fonds, financé sur ressources publiques et donc en dernier ressort par les contribuables américains, subira seront-elles excessives ? Mais il reste le fait que les Etats-Unis viennent de se doter d'un fonds souverain, qui demeurera vraisemblablement debout même lorsque la crise financière sera terminée, et qui permettra aux Etats-Unis de se défendre dans le conflit financier qui risquera de se produire dans les prochaines décennies.
Mais l'Europe dans tout cela ? Des pouvoirs politiques morcellés dans les capitales européennes ... Une commission européenne tenante du libéralisme à tout crin ... Une Banque Centrale Européenne bien esseulée, seule en mesure de protéger notre système financier d'une crise systémique, mais disposant de moyens cependant extrêmement limités et sans aucun appui auprès d'un secrétaire européen au Trésor inexistant ... Il faudrait que l'Europe se rende compte de son obligation de se doter, comme les Etats-Unis l'ont fait, d'un fonds public d'intervention doté également d'un tel encours, apte à secourir le système financier européen et à intervenir face aux fonds souverains étrangers ...
Mais encore faudrait-il que les opinions publiques européennes acceptent de participer au sauvetage de leur système financier, de leurs établissements de crédit, de leurs banques ... ce qui n'est pas forcément gagné, notamment en France où l'esprit de révolte souffle facilement ... Ces mêmes français qui seraient cependant les premiers à hurler à la mort et à se plaindre si justement leurs banques coulaient de manière systémique, faisant disparaître par la même occasion leur maigre épargne accumulée et leurs retraites faméliques ...
L'Europe justement, qui a été protégée pour l'instant depuis le début de la crise financière pour l'euro ... sans qu'aucun de ses plus violents détracteurs ne fassent mine de s'en apercevoir ou de s'en réjouir ... sans que les critiques contre l'euro et contre la Banque centrale européenne et son président (le français Trichet) ne faiblissent ou ne ralentissent ... Alors, imaginons ce qu'aurait donné cette crise financière qui dure depuis actuellement plus d'un an sans l'existence de l'euro ... si le franc était encore la monnaie de la France et des français ... Des attaques spéculatives contre le franc comme dans les meilleures années de la décennie 1990 ... des taux d'intervention de la Banque de France maintenus à plus de 10% pour défendre la valeur du franc ... Des dévaluations en urgence du franc apprises au réveil au petit matin parce que la violence des attaques spéculatives ne permettent plus de maintenir le cours du change actuel avec les réserves de change de la Banque de France ... Ce serait cela, notre quotidien, sans l'existence de l'euro, qui permet le maintien du marché intérieur européen ...
L'Europe qui justement, aujourd'hui, comme les Etats-Unis, a la capacité économique de constituer un tel fonds souverain à partir de ses finances publiques ... Mais il lui manque l'ambition ... En a-t-elle seulement compris l'intérêt ? Nicolas Sarkozy l'a-t-il compris ? Faisons quand même confiance à ses conseillers pour cela ...
A quand un plan Paulson (ou Sarkozy) pour l'Europe ... avec la création d'un fonds semblable de plusieurs centaines de milliards d'euros ?
Saucratès
Mes précédents écrits sur la Monnaie :
0. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/19/une-histoire-de-l-€uro.html
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/09/segolene-royal-et-la-banque-centrale-europeenne.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/17/de-la-politique-monetaire-deux.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/01/19/reponse-a-decembre-sur-les-banques.html
4. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/03/21/de-la-politique-monétaire-trois.html
5. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/09/21/de-la-politique-monetaire-quatre.html
6. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/11/05/de-la-politique-monetaire-six.html
7. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/02/05/de-la-politique-monetaire-sept.html
8. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/05/19/de-la-politique-monetaire-huit.html
9. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/08/14/de-la-politique-monetaire-neuf.html