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Matin Brouillard
Publié le 02 octobre 2008 par Nathalie Seguenot
Brouillard épais sur ma campagne. Mousse grise, cendre vaporeuse, ciel incolore. La petite maison de pierre se dissimule. Mousse et branches mortes. Griffes pointues qui rongent. L’ardoise du toit s’étire dans le coton. Ce matin là. Il fait froid. La porte bois affiche fièrement penne de fer forgé. L’autrefois vit encore ici. Un grincement. Une odeur. Une absence de lumière.
Là, tout repose en paix. Depuis quelques heures, le feu ne chante plus et les couvertures cachent corps endormi. Eternité. Infini. C’est le sort des âmes seules et sages. Oiseau de paradis qui les emporte. Ailes dorées et bec doux. Dans les volutes de l’aurore, grand-mère ne posera plus ses pieds. O, elle n’est pas triste. Non. Sa dernière pensée s’enfuit dans un souffle chaud. Pour son homme parti à la guerre trop tôt. Pour son fils qui sous terre, l’attend aussi. Sa fin n’est que son commencement.
Un autre voyage. Par-delà ses rêves. Ses espérances. Ses trêves. Sa petite maison, minuscule tas de granit, s’enracine en lierre. Le tableau est lent. Presque inachevé mais si calme. Manque chat Bouboule et chien Hortense. Tous deux devant l’âtre. Attendre le lever. Le glissement des pantoufles. Ils savent, devinent, s’enclavent d’espoirs vains. Une journée tout au plus et ils partiront. Rejoindre la maitresse. Les caresses. Sentiments de tendresse. Ils l’aimaient fort.
Dame Mort a pris grand-mère dans ses bras. Doucement. Comme un fardeau abandonné au froid. Elle l’a bercé, choyé, aimé aussi. Nul heurt. Ni pleurs. Pas plus de douleur. Il est l’heure ! Tout simplement. Acte dénué d’agressivité. Le temps s’est écoulé et l’horloge a sonné. Un glas soyeux. Comme une promesse. Revoir l’homme et le fils. Famille à nouveau réunit. Tant d’années les séparent !
Brouillard épais sur ma campagne. Je découvre les corps allongés. Statues de sel aux courbes harmonieuses. D’un revers demain je chasse larme et accueille sourire. L’aube assassine s’arrache aux premiers rayons du soleil. J’aimais cette femme. Ce chat ce chien. Un renouveau, je suis heureuse. Bienvenue chez moi, âmes sensibles.