Précédemment au pays de Chondre.
Il fut un temps ou j’habitais au pays du bonheur. J’étais encore jeune, beau, insouciant et étudiant et mon chez moi ressemblait à l’appartement témoin Ikea 30 mètres carrés. Mais si, mais si: Bibliothèque Billy, colonnes à CD Bléno, mezzanine kikrakk et canapé Gröpuff. J’avais à ma disposition une grande cour ensoleillée, mon propriétaire me faisait un prix d’ami et ma concierge était aux petits soins pour moi. Une amie avait eu la clairvoyance de me prévenir que Madame Lopes régnait sans partage sur notre immeuble et qu’elle possédait un droit de vie ou de mort sur les vilains locataires qui lui obéissaient pas au doigt et à l’oeil (gardienna potestas). J’avais donc rapidement intégré que je devais lui faire une lèche indécente pour avoir la paix et éviter d’être pendu. Petit à petit, j’avais réussi à la dompter et étais devenu en quelques semaines son chouchou. Côté environnement, rien à redire. Le voisin du dessus travaillait la nuit et passait beaucoup de temps chez sa chérie chérie en province et ma voisine d’à côté n’habitait Paris qu’au mois d’août et pendant les fêtes de fin d’année. L’immeuble était loin d’être hostile. Je vivais au pays de Oui-Oui et j’étais heureux comme ça.
Seulement voila, les bonnes choses ont toujours une fin. Mon crétin de voisin a fini par emménager avec sa dulcinée, libérant ainsi son appartement et laissant le champ libre à la nièce de ma concierge. Ce fut véritablement le début de la fin. La nièce Lopes s’est révélée être une truie sans gène, passant son temps à la fenêtre à téléphoner et cloper comme une camionneuse, à décharger son cendrier dans la cour (et donc sur mes plantations) et accessoirement à jeter ses mégots rougeoyants sur mon tapis de salon. Elle était incapable de cuisiner sans faire cramer ses casseroles et racontait dans les moindres détails ses parties de jambes en l’air. Mais elle n’était pas la seule à aimer les coups de pin-pin. La nouvelle voisine d’en face adorait crier et faire partager ses nuits d’extase avec tout le douzième arrondissement en laissant systématiquement sa fenêtre de chambre grande ouverte pendant des galipettes. Même fenêtres fermées, nous participions à ses orgasmes. Je me souviens particulièrement d’une soirée ou nous recevions des amis. La machine à jouir s’était mise en route. Après le dernier râle de plaisir, nous avons ouvert la fenêtre du salon, crié bravo et longuement applaudi la performance physique et vocale. Et putain, elle était vraiment endurante la coquine.
La hache de guerre fut déterrée quand par négligence nous avons été les innocentes victimes de trois dégâts des eaux successifs. La sentence fut rapide et sévère. Nous nous sommes fait virer par notre compagnie d’assurance car nous étions considérés comme clients à risque. Une fuite d’eau fut également l’occasion de rencontrer notre nouvelle voisine de pallier, débarquant un dimanche à la maison un nichon à l’air, complètement paniquée par une rupture de robinet dans sa salle de bain. Nous avons alors joué à frotti-frotta en glissant joyeusement sur le carrelage. Nous étions tous les deux habités par le fantôme du grand Barry White, vêtements humides et transparents, épongeant sensuellement des litres d’eau. Elle n’était pas au courant que j’étais amateur de quéquette et fut apparemment déçue de faire la connaissance de Snooze.
Dimanche après midi fut l’occasion de rencontrer un nouvel habitant de notre immeuble. Quelques minutes avant qu’un car d’amis ne débarque à la maison, deux voisines ont frappé à notre porte. Elles frôlaient l’hystérie car un robinet d’eau s’était mis à fuir dans le couloir. Alors que Bree van de Lucien Sampaix était en panique totale, Snooze s’est envolé un étage plus haut avec une bassine à la main car ce robinet était situé juste au dessus de notre salon et son joli plafond fraîchement repeint. Il fallait couper l’eau et donc prévenir le locataire qui allait en être privé. Snooze commença à frapper à la porte. Personne ne répondit. Snooze insista car de la musique et une odeur de chichon s’échappait de l’appartement. Mon mari commença à s’énerver et la porte s’ouvrit enfin. Un homme en perruque, jupe et bas résille commença à l’injurier et traiter nos deux vieilles voisines de connasses. Breuh (bruit du Snooze surpris). Le Monsieur-Dame, apparemment sous l’emprise de trucs pas vraiment légaux, proposa à Snooze de visiter son appartement et plus si affinités. Charles bronson s’est rapidement pris un vent et fut consigné comme un gamin dans sa chambre. Dieu que mon chéri est viril lorsqu’il est en colère. Dire que le type que je croise tous les matins raide comme un piquet en costume cravate possède peut-être une incroyable collection de petites culottes en dentelle et de talons aiguilles.
Notre nouvel immeuble, c’est donc un peu le Rocky Horror Picture Show. Brad, Janet, Riff Raff, Eddie et maintenant le Docteur Frank-N-Furter.
Let’s do the time warp again!