Au milieu de la bêtise du monde, être émue, c'est encore possible

Photo Michelle O ShenIl fût un temps où j’entretenais une correspondance avec Jérôme Attal. Ce temps-là est révolu et je ne le regrette pas. Il en reste quelques souvenirs de ce qu’il écrivait comme, par exemple, l’émotion qui pouvait le saisir dans le métro, dans la rue, à la terrasse d’un café, à apercevoir furtivement un morceau de fille, une nuque, une épaule, une chevelure ou une bouche.
Peut-être ai-je gardé de cette correspondance entre autres- je n’ai pas gardé un seul mail, j’aime rayer- une nouvelle capacité à m’émouvoir de bouts d’homme. Et cela particulièrement les mois de frimas à la Fnac Saint Lazare. Hier dans le rayon littérature américaine, j’ai aperçu un jeune homme, vraiment jeune, avec à la main une musique rock, deus. Je ne saurais pas dire quels étaient exactement les traits de son visage ou la couleur de ses yeux. De lui, je n’ai retenu que son disque enveloppé dans un fin cellophane et ses baskets blanc immaculé. De lui, je ne sais pas ce qui m’a émue, sa présence simplement, un truc très doux et très commun, l’air embêté de celui qui ne sait pas quoi choisir, qui touche et qui repose assez délicatement les livres sur les tables.
A la Fnac Saint Lazare, il y a vraiment des trucs bizarres qui se passent. Au rayon disque, il y avait un type sûrement fou qui hurlait sourdement, un casque vissé sur les oreilles, des chansons de Adamo. Il faisait fuir les vendeurs, peu occupés de toute façon, vers le rayon d’en face. Ils disaient à leurs collègues qu’ils venaient là un peu se reposer (dans le rayon heavy metal) de la tempête à un seul jouée dans leur rayon musique française. Moi j’étais à côté du fou et j’écoutais « Où s’en vont les avions ? » de Julien Clerc. Cet été, je m’étais promis de le nier- mes parents écoutent rtl (impossible de leur faire changer d’avis) et rtl n’a fait que passer, passer et passer encore, jusqu’à la nauséee, le titre « Une jupe en laine »- et puis j’ai changé d’avis ; j’ai écouté le cd à la Fnac Saint Lazare. C’est quand même joli Julien Clerc. 
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu