« Don Fabrizio avait eu beaucoup de soucis ces deux derniers mois : ils avaient débouché de toutes parts comme des fourmis à l’abordage d’un lézard mort. Certains avaient surgi des crevasses de la situation politique ; d’autres lui étaient tombés dessus à cause des passions d’autrui ; d’autres encore (et c’étaient ceux qui le rongeaient le plus) avaient germé dans son for intérieur, c'est-à-dire à partir de ses réactions irrationnelles par rapport à la politique et aux caprices de son prochain (il appelait caprices, quand il était irrité, ce qu’étant calme il désignait comme des passions) ; et ces soucis, il les passait en revue tous les jours, il leur faisait faire des manœuvres, se mettre en colonne ou se déployer en rangs sur la place d’armes de sa conscience, en espérant apercevoir dans leurs évolutions un sens quelconque de finalité qui pût le rassurer ; et il n’y parvenait pas. »
Giuseppe Tomasi di Lampedusa
Le Guépard
Traduction Jean-Paul Manganaro