Les abricots d’Alchi

Publié le 04 octobre 2008 par Alainlecomte

Aucun voyage au Ladakh ne peut se terminer sans une visite au temple (chos-skor) d’Alchi. Enfoui au fond d’une vallée peu visible des grands axes, et que, pour cela, les envahisseurs successifs, depuis le XIème siècle ont toujours ignorée, cet ensemble de quatre temples a la beauté des pierres de gemme quand on les casse en deux et qu’on découvre leur intérieur. Les murs et les plafonds sont totalement recouverts de peintures, bouddhas miniatures dans toutes les poses répertoriées, arhats, ou figures de mandala impressionnantes : cercles concentriques qu’on peut assimiler, au-delà des différences de culture, aux cercles des enfers de Dante. Dans le Sumtsek (sum veut dire ‘trois’), trois bouddhas (connus comme Avalokiteshvara, Maitreya et Manjusri) de stuc surgissent, haut de trois étages, dont les jambes sont recouvertes de scènes de la vie du Bouddha. On s’y promène avec une petite loupiote afin d’éclairer successivement toutes ces images qui sont telles des enluminures.

Le Dukhang (hall d’assemblée des moines) est le temple le plus ancien. Les spécialistes y reconnaissent une influence cachemiri, on trouve même une composition, que l’on appelle la « Scène de libations royales » dont les personnages sont habillés de kaftans iraniens, prouvant ainsi la connexion avec des peintres établis dans une région qui subissait fortement les influences perses.

Le Lotsawa Lakhang est consacré à Lotsawa Rinchen Sangpo , que l’on baptise « le Grand Traducteur », qui a réintroduit le bouddhisme dans la région (grâce notamment à la traduction qu’il a faite des textes du Bouddha du sanskrit au tibétain). C’est dans ce temple que l’on trouve les étranges mandalas d’Amithaba et d’Avalokiteshvara « entourés par les milliers de bouddhas de l’âge des promesses » (bhadrakalpa).

Et à l’extérieur, dans le village paisible, on cueille les abricots (chulli), principal fruit du Ladakh (au point que pour beaucoup de ladakhis, le mot est synonyme de fruit) dont chaque partie, de la pulpe au noyau est traitée et utilisée pour faire des boissons, des fruits séchés (patin) ou de l’huile.

Sur les hauteurs du village, on peut aussi visiter un temple moins connu (Tsatsapuri ), datant vraisemblablement du 14ème siècle, qu’une équipe de jeunes, envoyés par une fondation allemande (Tibet Heritage Fund ), est en train de restaurer : les fresques s’inspirent du chos-skor.

Nous avions marché la veille de Lamayuru (monastère célèbre) à Wanla, village qui doit sa richesse à ses écoles d’artisanat. Malheureusement, la saison était déjà close : plus de guest house, ni de taxi pour nous conduire vers la route Srinagar-Leh. Nous sommes restés au village et avons dormi dans un home de fortune à côté du terrain de camping. Merveille des soirs dorés quand les villageoises rentrent le blé coupé et que les enfants en uniforme sortent joyeux des écoles (l’Inde fait ce qu’elle peut pour éduquer ses jeunes, notamment comme on l’aura lu dans la presse il y a peu en donnant une roupie par jour aux filles si elles viennent en classe !). Au sommet de Wanla, figure aussi un petit monastère, lui aussi du XIème siècle et rénové par la même mission allemande.