Je me suis moqué de lui parfois : ce ton grave peut aussi passer pour une gravité surfaite, un manque de sens de l’humour etc. et je le regrette, et à l’écouter vraiment, je me dis que j’aurais mieux fait de me taire. Je ne crois pas que dans ce qu’il dit figure une seule seconde le souci de se conformer à une image attendue (de l’écrivain, de « l’homme en ce siècle »…). Ainsi lorsque Laurent Josse, le chroniqueur de France-Inter, lui demande, au cas où il aurait à faire un discours de réception Nobel, quels sont les thèmes qu’il pourrait aborder, il ne s’empare pas de quelque grande cause humanitaire facilement exploitable : il répond simplement qu’il aimerait parler de la difficulté qu’ont les jeunes à publier et surtout, surtout, de la difficulté qu’ont les jeunes créoles à adapter leurs projets d’écriture à la langue française et à ensuite se faire publier. C’est peu de choses. Ce peu est pourtant beaucoup : il entraîne avec lui rien moins que la survie des cultures.
J’ai lu, dans un vieux numéro du « Magazine Littéraire » (je l’ai encore, c’est le numéro 362, de février 1998), qu’en 1978-79, Jean-Marie Le Clézio s’était porté à deux reprises, candidat au CNRS. Je recopie l’article : « Malgré un rapport plus que favorable, le soutien du doyen Ruff et du directeur scientifique du CNRS Jean Pouilloux, sa candidature n’est pas retenue. Motif invoqué : on met en doute sa compétence scientifique en matière de mythes amérindiens ». Plus précisément, les membres de la commission avaient eu « tendance à considérer qu’une existence de romancier ne saurait relever de leur commission ». Comme si une commission pouvait juger d’une « existence »…
J’aime aussi qu’il déclare « qu’il n’est pas à la hauteur de Claude Simon, car « La Route des Flandres » est un livre étonnant » et qu’il dise son admiration pour Nathalie Sarraute (qui est la solution de la prochaine énigme de Chantal Serrière ).
(photo prise sur le blog http://vishalakshi.blogspot.com/)