Mercredi. Leçons de chose.
Quand il était arrivé à « La Maison du Bonheur », Papy Terreau s’était vêtu d’un pantalon bleu de travail, d’une verte orange sur une chemise à carreaux rouge et jaune, le tout surmonté d’un chapeau de feutre vert, piqué d’une petite plume de paon. On s’était un peu moqué de lui, avec son air d’épouvantail gentil ! Puis tout le monde l’avait adopté. Les perruches, d’abord, qui aimaient se poser sur ses épaules, à caqueter des heures, tout en se mirant dans ses lunettes rondes, derrière lesquelles ses gros yeux, qu’il roulait comme des billes, auraient pu les faire rire, si elles en avaient eu le don. Les ânes, qui furetaient sans cesse dans ses poches, où il avait pris l’habitude de dissimuler quelques croûtons de pains. Et toutes les plantes, arbres, fleurs grimpantes, odorantes, aquatiques du jardin, qui avaient su trouver en lui un véritable érudit.
Avec Julia, dans la serre, il inspectait le jeune rosier, en fronçant ses gros sourcils tout blancs. Silence. Seule sa respiration un peu forte sifflait entre les poils de sa moustache épaisse, qu’il lissait machinalement de son index.
Bon ! Un rempotage s’impose, oui, ma foi !
Julia s’envola comme un papillon vers le fond de la serre et revint, courbée, traînant avec peine un large pot en plastique, couleur de terre cuite.
Oh la la ! S’écria le vieux monsieur. Chacun doit posséder en fonction de ses besoins. Si tu donnes à ton arbre trop peu de terre, il sera malheureux, triste, efflanqué. Il ne pourra pas grandir. Mais si tu lui donnes trop de terre, alors, il se prendra pour le roi du pétrole. Il va se boursoufler, grossir, pousser en feuilles, avec des longues tiges inutiles, et il en finira même par oublier de fleurir, cet obèse-là. Non, il lui fait sa juste part. Tiens, regarde, ce pot-là fera bien mieux l’affaire, précisait-il en lui désignant un pot de faïence à peine moins étroit que celui dans lequel Julia l’avait planté au départ.
Puis le vieil homme expliquait comment choisir la terre, comment en apprécier les grains, la couleur, les différentes composantes. Il lui montrait, dans ses paumes ridées, toutes les natures de terreaux. L’argileux, le calcaire, l’acide, le sablonneux, la terre de bruyère, et tous les autres. L’enfant écoutait, buvant ses paroles, sans en perdre un mot.
Ensuite, il parlait de l’air. De l’eau. Du soleil. Comme un peintre, il posait sur une palette imaginaire l’ensemble des éléments, et il les mélangeait, pour montrer à la petite fille d’où jaillissait la vie. Le vent est bon, mais il ne doit pas être trop fort. L’eau abreuve mais peut aussi noyer, quand elle vient en trop d’abondance. Le soleil donne la vigueur mais il dessèche quand il est trop ardent. Comme la terre, tout doit être en quantité mesurée !
Et la journée passa, comme un souffle. Le rosier se trouva dans un nouveau pot, les pieds bien au frais dans une bonne terre, grasse à souhait, heureux de vivre.