Blues du trentenaire: génération Crises

Publié le 09 octobre 2008 par Ferrailleur

  Un peu d'histoire personnelle pour changer.

  Bien que trentenaire, ce qui n'est tout de même pas un âge canonique, je n'attends parler, depuis ma plus tendre enfance, que de crises, de crises, de crises....

  Dans les années 80, années d'enfance, ce fut les "nouveaux pauvres." Je me souviens de la stupéfaction des adultes, habitués à saluer quelques clodos folkloriques, se retrouvant face à face  avec des jeunes désemparés et à la rue. Réminescence de la crise des années 30, que l'on croyait alors passagère mais qui, en fait, dure encore: Coluche ouvrait ses Restos du Coeur pour contribuer à soulager la nouvelle misère. Il inaugurait sans le savoir le grand retour de la charité, celle qui au XIXe siècle, palliait les déficiences d'un Etat refusant d'exercer son devoir de protection sociale du citoyen.

  Terribles années 80 d'ailleurs, années-frics qui célébraient la prospérité de quelques-uns au détriment de tous les autres. Il me revient en mémoire cette couverture d'un vieux Figaro Magazine de 1987, titrée: "Le boom de la bourse: enrichissez-vous !". On y voyait une bande de golden-boy exultant leur triomphe sur fond de décor boursier.... 1987, c'était aussi l'année d'un krach boursier mais si vite oublié. Il faudrait aussi évoquer La Cinq de Berlusconi, le "Vive la Crise" de Montand ou les leçons de management du jeune et arrogant Tapie. Dur, dur, dur !

  Tout cela sur fond d'arrivée du SIDA qui, à l'aube de notre adolescence, nous signifiait brutalement que nous serions condamnés à vivre nos premières expériences sentimentales sous cette sombre épée de Damoclès, bien loin de la légèreté et du badinage de nos soixante-huitards de parents.

  Puis vinrent les années 90: espoirs fugaces de nouvelle ère lorsque s'accéléra le dégel de l'autre moitié de l'Europe. Si nous avions su que vingt ans après, ces intellectuels d'Europe de l'Est haraguant les foules grisées par leur nouvelle liberté vivoteraient misérablement oubliés de tous, à l'ombre d'un quelconque building d'affaires ou d'un hypermarché occidental 24-24 piétinant les droits et la dignité de ses salariés ! Fallait-il mettre à bas les gérontes sinistres du Kremlin pour que 20 ans plus tard, nous subissions la violence marchande et la stupidité de leurs ennemis libéraux enivrés de leur victoire trop facilement acquise.

  De toute façon, ici, en France, loin de ces grandes perspectives globales, dès 1993, alors que nous étions sur le point d'entrer sur le marché du travail, la crise était de nouveau là, plus forte que jamais. Récession, chômage record sur fond d'aboiements agressifs d'un Le Pen en pleine forme. Crépuscule de l'ère Mitterrand déliquescente, mensonge pitoyable fondateur de l'ère Chiraquienne naissante... Et ces longues marches de dizaines de kilomètres dans le Paris fantômatique des grèves de 1995.... On discutait stages, CDD, contrats de débutants et les mines s'allongeaient: l'avenir paraissait déjà tellement noir et nous n'avions que 20 ans !

  Les années 2000 qui devaient (enfin) nous délivrer du poids de la génération étouffante et omnipotente de nos parents baby-boomeurs n'ont rien résolu: les postes qui devaient se libérer en masse pour nous faire notre place au soleil, n'ont été que distillés au compte-gouttes. Et toujours ce poids des ex-soixante-huitards qui ne veulent décidément pas céder le pouvoir: ils ont 60 ans, ils sont en pleine forme, bourrés aux as et ne veulent pas entendre parler de raccrocher. Alors, on continue de toquer à leur porte, en leur rappelant que nous aimerions avoir d'autres perspectives que celle d'avoir à financer de très longues décennies leurs faramineuses retraites, que nous aussi, nous aimerions nous installer, fonder un foyer, voire acheter un logement....

   Ah zut, les prix de l'immobilier explosent justement dans cette décennie: encore une fois, nous sommes là au mauvais moment... La faute à pas de chance ou à une poisse persistante qui nous colle à la peau depuis notre enfance. (à suivre, peut-être....)