Cahier

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Le récit de Michelle me laissa perplexe.

-Tu vas te lancer dans ta première enquête ?
-La curiosité me démange. Et puis j’en ai soupé de gratter les enquêtes des autres.

Je ne lui avais pas encore dit que le virus m’avait atteint depuis la vision des premiers restes humains dans l’usine. Elle aurait pu m’aider avec tout son savoir accumulé pendant des années. Mais pour le moment j’apprenais sur le tas en commençant à tout noter dans un cahier à spirale qui ne me quittait plus. J’avais dû visionner une seconde fois les bandes vidéo de la sécurité en me concentrant sur certains aspects : un crâne, un membre, la position ou la forme du corps, la couleur des vêtements. Le ralenti et les zoom était bien pratique pour décrire sur les circonstances du décès. Les visages, les bras ou les torses souvent très marqués indiquaient un décès lié à des traumatismes graves comme un accident de la route ou des violences physiques ou des tortures. Les hématomes larges, nombreux ainsi qu’une pommette ou une lèvre éclatée confirmaient le contexte extrêmement violent. Il avait vu également des plaies béantes ou encore des vêtements entièrement rougi par le sang coagulé. Une jupe, un chemisier, un tatouage, du vernis à ongle et de nombreux autres indices lui permettait d’identifier le sexe du défunt : toujours des femmes. Il avait plus de difficultés pour l’âge mais certains détails pouvaient l’aider : une marque de vêtement, une chaussure…

Lundi 10 Mars 2008
Tête : Emboutie sur le côté droit; hématome pommette gauche, lèvres éclatées, cheveux châtains. Femme (traces de maquillage)

Vendredi 9 Mai 2008
Bras (sans mains), épaule, moitié du torse : contusions sur toute la surface visible de la peau. Femme (poitrine, salamandre tatouée sur le sein)

Jeudi 2 Octobre 2008
Corps sans tête ni mains : fracture ouverte bras droits, nombreuses plaies. Lambeaux de chemisier genre H&M. Femme.

Depuis la dernière date je n’avais plus jamais revu de corps. Je joignais à ce compte rendu une copie d’écran à chaque fois que l’image était de qualité. En pensant à ces descriptions cliniques je me demandais bien comment une interprétation allait pouvoir surgir de si peu mais j’avais l’intuition que cette mémoire me servirait plus tard.

-Et oui, moi aussi je suis sur une enquête.
-Quoi ?
-Nous devrions peut être joindre nos compétences et ouvrir une agence de détectives.
-C’est ça ! dans un haussement d’épaules.
-Et où sont nos clients ?
-Ils vont arriver en masse si nous arrivons à éclaircir ce mystère.
-Là il faut que tu m’en dises un peu plus.

Après avoir écouté les explications elle lu une nouvelle fois les quelques notes.

-Tu vois, j’ai pas grand chose et je ne sais pas comment m’y prendre pour avoir ne serait-ce qu’une simple direction pour chercher.
-Tu as les dates c’est déjà beaucoup. Tu peux vérifier les livraisons, et du coup la provenance des camions. Tu peux te documenter sur les disparitions sur des sites spécialisés ou dans la presse.

J’ai vérifié immédiatement le registre des entrées aux dates concernés. Les camions voyageaient la nuit et devaient livrer entre 6 et 8 heures du matin.

-Six livraisons le 10 Mars par 5 compagnies, trois camions le 9 Mai 2008 par trois livreurs et sept le deux Octobre par seulement deux livreurs. Mais bonne nouvelle une seule compagnie se trouvait être présente aux trois dates.
-On peut prendre une hypothèse : les cadavres ont été livrés par la même entreprise.