Vendredi. Grand soleil ! L’horizon, lavé des masses grises de la veille, s’étendait, ébloui d’azur et de clarté. Julia se promenait avec son protégé, l’accompagnant d’un grand sourire. Elle le présentait à toutes ses vieilles amies, à tous ses anciens camarades. Papy Terreau n’en était pas peu fier, expliquant aux unes et aux autres que cette petite avait un grand avenir, les pouces verts, que Jeanne avait de la chance, pour son jardin, ce serait un grand bonheur. Tous ces messieurs et ces dames dessinaient un grand cercle sur le gravier blanc de soleil, autour de l’enfant et du rosier. Amusée, Jeanne, qui passait par là, laissant flotter sa robe à fleurs dans les lumières de l’été, prenait des photos, pour immortaliser ces petits vieillards émus. Elle pensait à Renoir, à Monnet, à tous ces peintres des couleurs. Jeanne se sentait heureuse.
A midi, Julia poussa bien vite son rosier dans la pénombre fraîche que procuraient les fougères. Elle apprenait à jouer à cache-cache avec les éléments, et de son air mutin, transformait ces géants terribles en amis sympathiques. La tempête de la veille lui avait montré comme puiser dans l’ardeur de chacun l’étincelle bienveillante, le nectar juste suffisant, la goutte de vie fragile pour la rendre à son rosier.
L’après-midi, elle vérifia la surface de la terre de la pointe de ses doigts, effleurant l’humus, à peine, juste pour sentir son degré de soif. Les feuilles restaient brillantes, leurs fines dentelures, au liseré rose, lui présentaient un visage rassurant. Le tronc respirait avec calme. Penchée sur lui, elle entendait comme son cœur battre, tranquillement, dans une sérénité paisible.
Alors, au couchant, quand les derniers rayons orange du soleil se teintaient de vert, au-delà des frondaisons, elle posa le rosier au centre de la terrasse, pour le faire profiter de ces dernières lumières. Fortifié, grandi, il tendait ses branches de toutes ses forces, pour accrocher ces lambeaux de feux, rouges, écarlates, cramoisis, comme des fleurs de lumières, soudain, qui auraient explosé au cœur du feuillage.
Julia s’endormit dans un rêve. Son rosier reposait dans la serre. Seul, un âne, insomniaque, peut-être, rompit le silence qui s’était posé sur « La Maison du Bonheur », lançant dans le creux de la nuit un hennissement strident. On entendit le froissement d’un vol d’oiseaux, les perruches, réveillées, qui changeaient d’arbre.