La lettre ( texte de gballand )

Publié le 12 octobre 2008 par Mbbs

- Maman, papy est mort ! Hurle sa fille.

Elle se précipite dans la chambre et constate que Marion a raison. C’est fini. Il lui faut appeler le médecin, encore des démarches à faire, comme si elle n’en avait pas assez fait ces deniers temps. Sa fille est  à côté du lit et regarde son grand-père, l’air calme.


-   Maman, il y a une enveloppe à côté de lui !

Elle bondit vers le lit.

-     Surtout, ne touche à rien !
- Mais pourquoi, il y a ton nom dessus !

Elle prend l’enveloppe et la met dans sa poche. Il ne lui a quand même pas fait le coup de la lettre ! S’il voulait lui parler, il aurait pu le faire avant, il savait bien qu’il allait mourir.


- Tu la lis pas ?
- C’est pas le moment.
- Pourquoi ?
- Je sais pas moi, et puis qu’est-ce que tu veux qu’il y ait d’extraordinaire dans cette lettre ? Quand il était vivant il a jamais rien eu à me dire !
- On sait jamais.

Elle appelle le médecin, envoie sa fille à la pharmacie pour lui chercher de l’aspirine et  s’assied à distance respectable du mort. Elle ne ressent rien et s’en étonne presque. Il était pourtant chez elle depuis six mois, par la force des choses. Jamais ils ne se sont compris ; incompatibilité d’humeur… ou de gènes.


Elle lui a  toujours trouvé un visage effrayant, sans doute des idées de petite fille qui ne se sont jamais effacées. Quand elle essaie de se rappeler quelque chose de précis à son sujet, rien ne lui vient, le désert, aucun geste, aucun regard, aucun sentiment. L’enveloppe est toujours dans sa poche, elle la sort, la tourne et la retourne dans ses mains, puis la déchire, déplie le papier blanc qui est à l’intérieur et constate qu’il n’y a que trois lignes, tracées de l’écriture illisible de son père. Elle chausse ses lunettes et lit :

« Te voilà enfin débarrassée, moi aussi. Ni toi, ni moi  n’aurons de regrets, seule ta fille, peut-être…
On  ne peut jamais forcer personne  à vous aimer.
Ton père qui n’est pas ton père. »