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Que personne ne sorte !

Publié le 13 octobre 2008 par Lili

Que personne ne sorte !Ce soir, comme d’habitude, je rentre en trombe dans la bouche de métro qui m’avale d’un coup de langue nauséabonde. Je dévale les escaliers et me précipite vers les tourniquets. J’attrape ma carte orange que j’avais sortie préalablement de mon sac.

Je l’avais glissée dans la poche de mon manteau, afin d’insérer le coupon mensuel immédiatement dans la fente de l’appareil. En trois enjambées, me voici au pied de cet impressionnant passage obligé. J’ouvre le porte-carte de plastique gris afin de retirer le ticket.

Et là, vision d’horreur ! Le coupon n’est plus là ! Oh non, c’est pas possible !

Je réfléchis à toute allure, je repasse le film, en arrière, ce matin… Je suis sûre de l’avoir remis. Comment est-ce possible, je rêve! Je fouille dans mon sac, dans la pochette extérieure où je la range d’habitude, puis dans mon sac tout entier. Je ne trouve rien, je m’énerve. Je regarde ma montre… Oh non ! J’ai rendez-vous chez le dentiste dans une toute petite heure, pas envie d’arriver en retard. Une fois de plus, je suis partie un peu plus tôt dans le but ultime et rassurant d’arriver à l’heure.

Je respire un grand coup.

Je me rassure, je vais la retrouver. Elle ne peut pas disparaître comme par magie noire, juste pour me contrarier. Elle a dû glisser dans mon sac, je vais chercher plus méticuleusement et surtout avec plus de calme. Je pose mon sac, plutôt un fourre-tout, sur l’appareil de contrôle, je sors mon porte-monnaie, mon portefeuille, mon portable, mon agenda, mon stylo, une pièce de dix centimes, un vieux ticket de cinéma, un carré de chocolat accompagnant le café de ce midi. Je suis raisonnable, je ne l’ai pas mangé, pas encore!..

Ah, je vais être en retard ! Que personne ne sorte, qui a chipé mon coupon ?

Et puis, je dois récupérer les jumeaux à la crèche après mon rendez-vous, ça va être encore la course.

Rien, j’ai fouillé partout, je n’ai rien, pas le moindre petit morceau de coin de coupon de carte orange, j’enrage ! Je réfléchis à nouveau, que s’est-il passé ?

En plus, on est le dix du mois !! Je vais devoir en racheter un, quelle plaie ! Flûte de flûte! Je sais, je devrais prendre la carte intégrale, ne plus me prendre la tête à l’acheter tout les mois et faire la queue au guichet. En cas de perte, je pourrais la remplacer sans problème. Mais voilà, obtenir un pass intégral nécessite de remplir un long formulaire retraçant toute notre vie depuis le berceau, coordonnées, âge, curriculum vitae complet, situation familiale, profession et j'en passe… Enfin tout ce qui a, bien sûr, un rapport direct et évident avec l’obtention de la carte ! Et puis, je devrais prendre le temps d’aller dans une agence commerciale à la gare de Lyon ou à Châtelet. Le matin ? Oh non, pas le temps, il faudrait que je parte beaucoup plus tôt et alors qui accompagnerait les enfants à la crèche ? Après le boulot ? Non plus. Le soir, je n‘ai qu’une envie, rentrer à la maison Et puis, si j'arrive trop tard à la crèche, j’aurais des remontrances et les regards lourds de reproches me tétanisent. Ils détestent les parents retardataires et pour se venger, ils prennent un malin plaisir à les faire culpabiliser. Votre fils - ou fille - s'impatientait, ça fait long pour un petit bout de chou comme cela... Je déteste! Oh la-la ! Que tout est compliqué.

Je respire à nouveau un grand coup, rester zen en toute circonstance, je vais la retrouver !

Je baisse la tête et jette un regard circulaire, désespéré, sur le sol, elle a pu tomber au moment où je l’ai sortie de ma poche.

Je fouille une nouvelle fois dans mes poches de manteau, il aurait pu glisser dans la doublure, non rien, elle est désespérément vide, je transpire, je m’agite, je panique, j’étouffe…

Je cherche à nouveau dans mes poches en soupirant lorsqu’une toute petite voix derrière moi me sort de cet état second dans lequel la perte de ma carte orange m’avait plongée.

-   C’est cela que vous cherchez, madame?

Que personne ne sorte !

Surprise, je me retourne vivement et aperçois une toute petite bonne femme, très brune, les yeux en amandes, un sac plastique accroché à son bras qui me fixe avec un sourire pincé. Elle tient dans la main un petit morceau de papier cartonné orangé, rectangulaire, barré par une épaisse ligne argentée, un précieux morceau de carton, qui coûte quatre-vingt six euros et qui sera le sésame pour m’envoler immédiatement vers ma banlieue.

-   Ah, mon coupon ! Oui, merci madame, c’est le mien.

-   Il était tombé aux pieds des marches, répondit-elle en se retournant pour me montrer le lieu du crime, à cinq ou six mètres derrière moi.

Cette petite femme n’a sans doute pas eu conscience de l’importance de son geste. Elle m’avait sauvé la vie !!

Je le lui ai dit.


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