Chaque matin c'est pareil, avant que le soleil ne tire le rideau sur la rosée glacée nous sortons englués de crasse, du rêve gargantuesque. Des reliefs du festin traînent ça et là, des bribes arrachées au tri sélectif, éparses autour de nos empilements de cartons. La nuit, les chiens ont débarrassé la table de ce qu'il restait à ronger. Au dessus de nos têtes cabossées les meurtrières dégueulent de ce que défèquent les tenants de la bonne parole, nous ne sommes pas, nous ne sommes plus, à peine à la saison des corbeilles de fruits d'hiver, quelques mots qui vont sonnés le rappel à la charité, nous montrerons dans nos sacs à viandes, émergeant du pire quotidien. Nous sommes la cour des miracles, c'est de miracles, seulement de leur hypothèse que nous attendons que les portes des enceintes s'entrouvrent et nous laissent à nouveau nous glisser au sein du monde des vivants. Les bristols de l'invite à tenter sa chance au près de l'aide sociale proposée par la française des jeux jonchent le caniveaux où nous puisons l'eau de la toilette. Nous la disputons aux rats et aux pigeons q'un moindre déchet de hamburger rend semblables à des hommes rendus fous par la falsification des fatalités.
L'endroit où nous sommes ? Le glacis, disent les plus versés en vocabulaire militaire. La Zone, éructent les plus âgés comme si ce mot sifflait entre leurs dents pourries. Le Ban, le lieu du ban, l'endroit qui n'est pas le lieu, le lieu qu'il est devenu inutile de dire, glosent les sociologues qui depuis longtemps se sont habitués à remplir leur garde-manger de l'analyse de nos états approximatifs. Sous une bretelle d'autoroute, à la sortie d'un tunnel où commence à s'entasser les petites voitures d'un manège dont la queue de mickey nous encore filé entre les doigts. Le jour se lève et nous sommes plus nombreux, toujours plus nombreux. Des enfants piaillent en regardant passer les petites valises à roulettes multicolores de ces autres dont les visages craignent la lumière sale d'où nous émergeons.
Qui nous sommes ? Mais rien, presque pas, si peu, plus tout à fait et pourtant si nombreux, des milliard sûrement, accrochés à la moisissure des fondations du monde comme au guano fertile des latrines autour des quelles nous tournons, un petit bâton à la main, fouinant la ration pas tout à fait digérée. Qui ne nous a pas vu autour des container de supermarché faire nos courses, dans la pénombre d'un lampadaire explosé, comme des mouches à viande autour des dates de péremption ?
Penchez vous ! Vos balcons fleuris ne sont pas si haut, penchez vous pour y voir ! A moins que le vertige de ce qui vous attend en bas ne vous attire sans que vous ne puissiez rien faire que de vous y voir, demain matin, émergeant de sous une bâche plastique avec à côté de vous la lettre recommandée qui signale votre reconduite imminente à la frontière du monde. No Money Land ! Bienvenue chers visiteurs, il est recommandé de ne pas nourrir les animaux. Nos équipes de spécialistes s'en chargent.