Hermann laissa un air d’opéra doucement flotter dans l’air du soir. Prenant la main de Jeanne, il l’emmena jusqu’à la table et l’aida à s’asseoir, en repoussant délicatement sa chaise. Julia se posa sur son siège, l’air un peu fâché. Et les plats s’invitèrent, sous les applaudissements de Jeanne, qui poussaient des ho ! des ha ! toute entière à son ravissement. Tout l’enchantait. Le décor, la lumière des bougies, le vin délicat, le cristal des verres, le brillant de l’argenterie, elle avait oublié, elle aussi, avec le temps, les trésors enfouis dans les buffets, qui ce soir, s’étalaient sur leur table.
La viande était succulente, fondante à souhait, harmonie des saveurs et des parfums exquis.
Je n’y suis pour rien, s’amusait Hermann, c’est ta grand-mère, Madeleine, qui en détient le plus grand mérite ! C’est elle qui a choisi la bête !
Julia, pourtant, trouvait ce canard beaucoup trop gras. Quand aux navets, leur saveur âcre la faisait grimacer. Elle mastiquait avec la plus grande application, mais sans réussir à en avaler la moindre bouchée. Il lui fallait à chaque fois l’aide d’un grand verre d’eau pour déplacer jusqu’au fond de son estomac les boulettes grises qui se desséchaient lamentablement dans sa bouche. Mais aucun des deux adultes ne prenaient garde à ses mimiques d’enfant.
Les beaux yeux de Jeanne luisaient des feux allumés par les bougies. Le vin la rendait un peu plus gai qu’il n’aurait fallu. Mais elle n’en avait cure.
Je te trouve très beau, ce soir ! disait-elle à Hermann, en lui tenant la main.
Et moi, ma chérie, tu es la plus ravissante des créatures terrestres ! renchérissait-il d’une pédanterie un peu burlesque qui tirait de Jeanne des éclats de rire joyeux.
Après avoir servi le dessert, Hermann sortit deux flûtes à champagne, et les remplit avec soin des bulles pétillantes et fraîches d’un vieux Dom Pérignon millésimé.
Mes petites chéries, ce soir c’est fête, car j’ai une grande nouvelle à vous annoncer.