Jean-Guy Barbeau
une œuvre vouée à peindre «la femme»Le Quotidien
Arts, samedi, 11 octobre 2008, p. 36
Le monde des arts est en deuil
Le peintre Jean-Guy Barbeau signe sa dernière toile, celle de sa vie
Christiane Laforge
CHICOUTIMI - Aussi discrètement qu’il a vécu sa vie, le peintre Jean-Guy Barbeau vient de nous quitter. Il succombe à une longue maladie qu’il a combattue avec l’élégance silencieuse qui était la sienne. Cet homme doux, humble dans le succès, a traversé nos vies en demandant si peu que sa mort éveille tous les mots retenus.
Jean-Guy Barbeau, l’insondable lac tranquille dont le calme apparent ne trahissait rien d’une angoisse persistante devant le désir impérieux de sonder le mystère de l’art! Que d’expériences, d’explorations, de doutes pour parvenir à son propre langage pictural. Que de persévérance, de travail et de recommencement pour atteindre la maîtrise essentielle à une œuvre vouée à peindre «la femme», à la rendre belle sans mièvrerie, à la confondre, avec superbe, avec les fleurs et les oiseaux. Jean-Guy Barbeau dont le silence vibrait de poésie!
Coïncidence? Pendant que les mots de ce texte hésitent sur le clavier, coule la musique de Spiegel Im Spiegel (Miroir dans le miroir) d’Arvo Part, lequel percevait sa musique comme une lumière blanche retenant toutes les couleurs que seul un prisme pouvait dissocier et rendre visibles. Barbeau a été ce prisme rendant visible ce qui est au-delà de la forme.
Le chant du monde
Résumer Jean-Guy Barbeau à son parcours professionnel et social serait aligner des tubes de couleurs sans les ouvrir. La palette de sa vie est un foisonnement de contrastes où la transparence côtoie l’insondable.
Natif de Lorettville, il a vécu son enfance à Bellechasse, avant de s’installer à Chicoutimi en 1951. Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Québec, professeur d’arts plastiques au Secondaire à Chicoutimi, il fait partie des pionniers de l’enseignement des arts au Saguenay auprès de Pierrette-Gaudreault, fondatrice de l’Institut des arts, tout en poursuivant sa propre quête dans la solitude de son atelier de la rue Melançon, le regard rivé sur les monts Valin.
Son œuvre, trop peu connue du public, a pourtant rayonné du Québec jusqu’en Europe, où il a exposé en Pologne et en Hongrie. Et pour cause! Touche à tout intellectuel, Jean-Guy Barbeau a fait l’essai de plusieurs styles et matériaux. Émule de grands peintres, sensible à l’audace des autres, le parcours de ce peintre inclut de nombreuses tendances, allant du tachisme à l’abstrait, du fauvisme au cubisme. Des explorations d’où il est revenu avec un style bien à lui, un style qui lui survivra et fera écho à des œuvres futures. L’art de Barbeau est intemporel.
Que l’œil prenne plaisir à plonger dans les jeux géométriques de ses compositions, surfant sur les transparences savamment brossées par couches superposées, n’exclue pas une sensibilité attentive aux grandes préoccupations de son temps. Chantre de la femme, certes, mais pas seulement cela. Certains de ses tableaux évoquent les conflits guerriers, la douleur humaine, d’autres racontent notre passé. Il est l’auteur d’une imposante murale de plus de 278 mètres carrés qui parait autrefois le mur à l’accueil de la Maison de la presse inaugurée en 1980, laquelle résumait les grands moments de l’histoire de la région.
La fin du tableau
S’étonnera-t-on que le grand départ de Jean-Guy Barbeau ait lieu dans la splendeur de l’automne? L’artiste ne pouvait que souhaiter la valse pourpre et or des feuilles de nos érables pour saluer la fin de sa toile ultime. Le maître a toujours su quand déposer les pinceaux et s’incliner, avec cette modestie légendaire, devant l’œuvre achevée.
Une œuvre qui nous émeut, comme l’homme qu’il était, bien au-delà du temps!
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