Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche, 17 août 2008, p. 44
Dangereuses décisions à caractère politique
Laforge, Christiane
Après l'abandon annoncé du programme Routes commerciales du ministère du Patrimoine de 9 M$ à la fin de l'année fiscale, le gouvernement Harper abolit le programme PromArt du ministère des Affaires étrangères, 4,7 M$, destiné à soutenir la présence de nos artistes hors du pays. Motif avoué par voix interposées bien informées: ce programme a donné son appui à des artistes "trop radicaux, trop marginaux" qui n'ont pas le profil "de fiers représentants du Canada à l'étranger".
Il s'agit de ce même gouvernement dont les représentants tentent d'instaurer la censure au cinéma via le projet de loi C-10. Ces décisions politiques, soupçonnent plus d'un observateur avisé, sont prises en réaction à des cas individuels bien spécifiques qui dérangeraient les "valeurs" des tenants de ce gouvernement... pour le moment minoritaire, tel le groupe rock expérimental Holyfuck (3000$) ou le documentariste Avi Lewis (5000$) qui apparaît doublement "irrecevable" en tant qu'époux de l'altermondialiste Naomi Klein et collaborateur au réseau de télévision anglais d'Al-Jazira.
Ces "abolitionnistes" savent-ils que ce programme s'est enorgueilli du soutien accordé aux Grands Ballets canadiens, au cirque Les 7 doigts de la main, à la troupe Ex Machina de Robert Lepage? Savent-ils que ce fleuron québécois qu'est le Cirque du Soleil a pu se développer de 1984 à 1992 avec l'investissement de nos impôts dans ses tournées pour devenir autonome avec le succès mondial incontestable qu'il connaît?
L'apport de nos artistes
Le rayonnement de nos artistes hors de nos frontières est tout aussi essentiel au développement de la vie culturelle hors des métropoles. Des événements comme le Festival international des rythmes du monde, des productions audacieuses comme la Fabuleuse, des entreprises culturelles privées produisant en spectacles de variétés comme Ecce Mundo, Québec Issime ou en théâtre comme la Rubrique, les 100 Masques, s'inscrivent dans cette vaste et importante force économique canadienne qui contribue au PIB.
Serait-on à renier les propos du discours du trône du 2 février 2004? "Les artistes et les entreprises culturelles du Canada comptent parmi nos meilleurs ambassadeurs; ils constituent en outre un élément de plus en plus dynamique de l'économie du savoir."
Le 8 août dernier, le nouveau président du Conseil des arts du Canada, Joseph L. Rotman, a déclaré se mettre au service d'une cause qui lui est très chère: "Maintenir le Canada à l'avant-garde du développement culturel. Grâce à plus d'un demi-siècle de financement public des arts, le Canada est devenu un chef de file mondial sur la scène artistique. Cependant, trop peu de Canadiennes et de Canadiens apprécient à sa juste mesure la contribution des arts et de la culture à la société, et savent à quel point nous pourrions accomplir davantage avec plus de fonds."
Inquiétude
Le conseil québécois du théâtre se dit stupéfait à l'annonce de la fin de ce programme effective le 1er avril 2009. "Les dégâts que causera cette coupure sauvage et insensée auprès des artistes, des compagnies et des festivals de théâtre canadiens seront, à n'en pas douter, immenses. Il est inquiétant qu'un pays riche et évolué comme le Canada empêche ces artistes de rayonner à l'extérieur de ses frontières sous prétexte que ceux-ci représentent des figures "radicales" ou "marginales" comme le qualifie Anne Howland, directrice des communications du ministre David Emerson du ministère des Affaires extérieures et du Commerce international. Exigeant du premier ministre Harper l'annulation immédiate de cette décision, le CQT dénonce une attitude qu'il juge "de nature essentiellement idéologique et rétrograde, relevant du plus pur obscurantisme de la part du gouvernement conservateur".
Faut-il s'inquiéter de ce mouvement d'extrême droite où la liberté d'expression ne semble plus une valeur primordiale de la liberté individuelle et collective? Ce ne sont pas les premières coupures imposées au domaine des arts par ce gouvernement. Et pourtant, déclare le président du CAC: "Quelque 600 000 artistes et autres travailleurs du secteur culturel canadien contribuent à la renommée du Canada dans le monde et injectent plus de 43 milliards de dollars annuellement à l'économie canadienne."
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Numéro de document : news·20080817·PD·0035
Faisant suite à cet éditorial, CBJ a diffusé cette entrevue :
http://www.radio-canada.ca/regions/saguenay-lac/Radio/boulotdodo.shtml
archives :
20 août 2008 - Coupures dans la Culture...la région inquiète!
Le gouvernement conservateur a coupé près de 23 millions de dollars dans au moins sept programmes destinés au milieu artistique. Dimanche, la journaliste Christiane Laforge signait un éditorial dans lequel elle faisait part de ses inquiétudes. Nous la recevons en studio. *** |