L'Auberge du cheval blanc, production 2008 de la SALR
Patrick Mallette (Léopold) et Roger Girard (Bistagne)
© Photo Rocket Lavoie - Le Quotidien
Arts, samedi 10 mai 2008, p. 34
L'Auberge du cheval blanc
La version saguenéenne renoue avec le succès
CHRISTIANE LAFORGE
JONQUIÈRE - L'air tyrolien réussit bien à La Société d'art lyrique du royaume qui aura pratiquement fait salle comble, soir après soir, depuis mercredi. Avec raison. L'Auberge du cheval blanc renoue avec le succès par la qualité des voix, une direction artistique impeccable, un chœur bien accroché au scénario, un orchestre complice et une mise en scène inspirée.
Sans rien perdre du charme de l'époque ni du pays où se situent ces intrigues joyeuses et romantiques, les artisans de cette version saguenéenne de la célèbre opérette ont su insuffler une modernité fort à propos, avec un zeste d'allusions politiques locales et quelques clins d'oeil sympathiques au cinéma.
Par tradition, ces comédies anciennes sont toujours un peu lentes à mettre en place les intrigues et les personnages, sans doute pour l'époque, dans une volonté de durer plus longtemps sur scène. Pourtant, impossible de retrancher quoique ce soit à cette mise en scène réussie.
L'action est menée sans longueur et, s'il faut encore se résigner à ne pas saisir tous les mots chantés, surtout au tout début, on ne s'ennuie pas un instant à l'Auberge du cheval blanc.
Les interprètes
La distribution n'a aucune faille. Geneviève Couillard Després crée une Josépha énergique capable de coup de cœur et de coup de gueule bien sentis. Patrick Mallette chante un Léopold convaincant, très à l'aise dans ce rôle qui lui permet de donner toute l'ampleur à sa belle voix.
L'Auberge du cheval blanc, production 2008 de la SALR
Marie-Ève Munger (Sylvabelle),Roger Girard (Bistagne), Patrick Mallette (Léopold)
© Photo Rocket Lavoie - Le Quotidien
Marie-Ève Munger incarne une Sylvabelle mutine; elle se prête à la fantaisie et l'ingénuité de son personnage sans jamais céder à la tentation de se croire une diva, aussi performante dans le chant que dans le jeu de comédienne.
Thomas Macleay campe un Guy Florès solide. On le sent maître de son jeu, aussi bien dans la fiction que sur la scène.
François-Pierre Perron est adorable dans le rôle de Piccolo. Initié au théâtre à sept ans, ce jeune homme de 11 ans est manifestement un comédien né. Quant à Martin Giguère, il sera pour moi le Célestin le plus mémorable de toutes les versions de L'Auberge du cheval blanc.
En poussant son personnage à la limite de la caricature, il le rend des plus sympathiques, donnant du charme à ce dandy naïf irrésistible.
Soulignons aussi la performance d'Éric Renald tour à tour empereur, Gook et Professeur Hinzelmann sans trahir l'un pour l'autre, celle de Caroline Tremblay, la zozotante Clara, de Laurie Tremblay, la Zenzi sensible au jeune Piccolo et de Louise Gagné, l'amusante postière et surprenante Kathi.
Parmi tous, Roger Girard coiffe la couronne de laurier. On le connaît de longue date, remarqué chaque fois dans chacun de ses rôles. Cette fois, il se surpasse. Son Napoléon Bistagne vole la vedette avec un jeu dynamique et coloré. On lui devra bien des rires.
L'action
Dans le mouvement, le rythme, l'équilibre des tableaux et les effets de surprises, on reconnaît bien là l'efficace mise en scène d'Éric Chalifour. Excellente idée d'intégrer la danse aux scènes qui, sans cela, auraient pu être plus ternes. En fait, les chorégraphies de Georges-Nicolas Tremblay, qui a su recourir au talent de quatre danseurs professionnels de la troupe Ecce Mundo, s'intègrent parfaitement à l'intrigue, ajoutant une touche de fantaisie et de rêve supplémentaire aux envolées vocales des tendres duos amoureux.
Le tout est accompagné avec brio par l'orchestre de Chambre de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, dirigé par Toshiaki Hamada. Un orchestre qui a su très vite adapter son jeu afin de soutenir les voix sans les supplanter, tout en prenant sa place avec une réelle complicité. Devenant un personnage en soi, avec ses répliques musicales ponctuant l'action.
Ce qui fait la force de cette production 2008 de la Société d'art lyrique du royaume, c'est la conviction d'une volonté partagée par tous de faire la preuve de la valeur de cet art. Serait-ce qu'il a fallu y croire au-delà des difficultés - et elles furent nombreuses - pour mener à bien "ce miracle chaque année renouvelé" comme l'a si bien dit le président de la SALR, Luc Blackburn, dans le discours d'ouverture? L'émotion était palpable sur les visages lors des saluts répétés devant un public qui les a longuement applaudis le soir de la première.