Alors au Milieu, j'ai donc travaillé.
Cette partie-là du séjour peut se résumer à "au secours".
En gros : personne n'a relevé que j'étais enceinte (ils pensent que je fais de l'aérophagie depuis une quinzaine d'années ou quoi ??), ou alors ils ont choisi d'ignorer cette information.
Du coup, ils ont insisté autant que d'habitude pour me faire gober des verres d'alcool de riz culs sec, et après de looooongues minutes de négociation, j'ai fini par céder, sous le regard consterné de mes collègues français.
Nan, je vous rassure, je ne suis pas devenue dingue. Cet alcool, il te fait flamber le gosier et les neurones avec (c'est un package), donc évidemment que je n'allais pas risquer de contaminer l'alien avec ce machin tout juste bon à allumer un barbecue.
J'ai suivi des conseils avisés : j'ai juste fait semblant.
Et tout recraché dans ma serviette.
Puis, quand elle fut pleine (et ma manche de chemise aussi, par la même occasion), j'ai recraché les verres suivants dans mon petit bol de soupe.
Oui c'est absolument dégoûtant.
Mais je n'ai pas trouvé mieux.
J'expédie là bas le premier qui ose me dire qu'on n'est jamais obligé et qu'on peut toujours dire
non. (c'est ce que mes collègues m'ont dit avant d'être confronté à l'insistance de nos hôtes et de finir par boire épicétou).
Voilà voilà.
Pour parfaire ce magnifique tableau de seskytude à base de bas de contention et d'alcool recraché, il faut également que je vous parle de mes gracieuses aptitudes à l'exercice physique depuis que j'héberge l'alien.
L'idée, c'est que pendant la partie du séjour au Milieu qui n'était pas consacrée au travail (une journée), on allait faire de la bonne vieille visite touristique. Et profiter du magnifique soleil pour marcher sur la grande muraille.
Oui, oui, je suis au courant que la grossesse fatigue, que ma capacité pulmonaire est drastiquement réduite, que le surpoids rend mes déplacements difficiles, que la muraille est connue pour être une succession d'escaliers vertigineux...
Mais que voulez vous, c'est l'aventurière en moi qui a encore parlé.
Et puis aussi, dans le guide, ils disaient qu'un funiculaire amenait les flemmasses et les femmes enceintes en haut.
La réalité se cache parfois dans la subtilité.
Or, il fallait lire : "presque en haut".
Nuance.
Grande nuance.
Il m'a fallu 10 bonnes minutes pour faire les 10 premiers mètres de la marche d'approche après le trajet en funiculaire. J'ai cru que j'allais décéder du coeur et des poumons avant d'avoir pu poser un pied sur cette satanée muraille.
J'ai fait tellement de peine à mes collègues que je les soupçonne d'avoir imaginé un instant payer une douzaine de chinoises pour me porter sur le reste de la marche.
Finalement, quand on a enfin posé un pied sur la muraille, j'ai regardé le point culminant (soit disant à une demi heure de marche)(comptez huit heures pour moi), les escaliers en mauvais état, les aplombs vertigineux, et j'ai eu un rire nerveux.
Mes collègues ont fait semblant d'être aussi crevées que moi, et nous avons décidé que c'était un peu idiot de vouloir à tout prix monter sur la muraille, alors qu'on pouvait tout aussi bien descendre.
C'est donc par rebellion et non pas en raison de mon incapacité physique notoire que nous avons descendu la muraille, et que j'ai sauvé ce qui me restait d'égo.
Durant ces humiliants épisodes, j'ai constamment parlé intérieurement à mon alien.
Pour le rassurer (mais si, c'est trèèèès bon la peau de patte de canard, voyons), le ramener à la raison (je t'en prie arrête de me piétiner la vessie ça fait trois fois que je dois aller aux toilettes pendant la même réunion), et le menacer (je te préviens que t'as intérêt d'être un agneau à l'adolescence, pasque t'as pas fini d'en entendre parler des deux fois où ta mère t'aura emmené au pays du Milieu au péril de sa vie, et ça va te coûter trèèèèèès cher, crois moi).
Spéciale dédicace à ClaireMM, je crois que j'arrive à être une mère indigne avant d'être mère :)