Le déménagement

Publié le 16 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Le déménagement qui suivit de dîner de fête fut des plus simple. Quelques vêtements, tout au plus, puisque leur nouvelle demeure était entièrement meublée et équipée. Et que tout le nécessaire à la vie de la « Maison du Bonheur » devait être conservé pour Anna et Georges.

Ils s’en allèrent un lundi matin, gris et froid, triste à pleurer. Julia portait dans ses bras son petit rosier, résignée à quitter son enfance. Au moment où elle montait dans le 4x4, son père lui dit :

Non, Julia, laisse cette plante ici.

Mais, papa, il reste de la place. Et de toute façon, je la prendrai sur mes genoux.

Nous avons presque mille kilomètres à faire jusqu’à Paris. Tu vas t’endormir avant. Le pot va se renverser. Et toute la terre ira se répandre dans mes chaussures, que j’ai rangées aux pieds des sièges arrière.

Mettons le dans le coffre de la voiture, alors !

Non, Julia, c’est la même chose. La terre va s’immiscer dans mes chemises blanches, ce sera un vrai désastre. Ramène ce pot dans la serre !

Mais ...

Il n’y a pas de mais, trancha Hermann, et dépêche toi !

Il s’était installé derrière son volant, et déjà, le moteur jappait bruyamment, comme un molosse affamé, laissé trop longtemps en cage.
 
Julia s’en revint à la serre. Tête basse. Elle ne pensait à rien. Trop vide. Son malheur de petite fille broyait sa gorge et son esprit. Les larmes s’étaient séchées d’elles-mêmes, avant même d’effleurer ses yeux. Arrivée dans la serre, elle s’agenouilla, et posa son protégé sur le sol. Elle restait immobile. Silencieuse. Seule, dans ce matin de cendre.

Son père lança un long coup de klaxon.

Julia avait fermé son visage.

L’avertisseur du 4x4 cria une seconde fois.

Elle se releva, lentement. Puis commença, soumise, à revenir vers la voiture. A travers la vitre, Jeanne lui faisait des signes. Qu’elle ne comprenait pas. Qui lui importait peu. Dont elle se moquait éperdument.

Soudain, elle se ravisa. A toute allure, elle revint vers son rosier, et d’un coup sec, l’arracha de terre. Elle l’enfouit sous son pull et s’assit dans la voiture en courant.