Dure est la chute

Publié le 20 juillet 2007 par Fyfe
Je pensais que ma réputation professionnelle était sans faille : fille sérieuse, délais respectés même quand ils sont aberrants et discrétion sur ma vie personnelle. Une vraie attitude d'employée du mois.
Oh, bien sûr, il n'aura pas fallu longtemps à mes collègues pour repérer mes mines fatiguées des lendemains de fête ou mon visage fermé quand je suis cernée par les cons.
Sans que j'en dise un mot, je peux compter sur quelques personnes pour me faire rire quand j'ai envie d'emplâtrer mon chef, m'inviter à prendre un café quand je suis à deux doigts de déclencher une guerre nucléaire, et se moquer de mes cernes, allègrement comparées à celles des jeunes parents en manque de sommeil...
M'enfin le boulot est fait, et ma réputation de fille sérieuse est préservée, parce que je ne fais que frôler les limites de l'explosion.
Du moins c'est ce que je croyais.
Une réputation s'éteint quand une discussion s'éveille.
Un verre à la main pour fêter le départ d'un collègue, elle a lancé ça en l'air, ma collègue, toute fière de son idée brillante : "C'est sympa ces moments de convivialité, hein ? On devrait organiser des événements qui créent du lien, un immense jeu de rôle où on imite un collègue, par exemple !"
Bon, je l'adore, hein, mais bon, admettez qu'elle devrait arrêter de boire, parce que dans le genre je déterre toutes les haches de guerre, les frustrations bien enfouies, et les jalousies ancestrales, le jeu rôle entre collègues, pour le côté convivialité, vous repasserez, hein.
Je le lui dis gentiment, que moi, ça me botterait moyennement, trop peur de froisser les susceptibles, trop peur d'être trop susceptible, pas envie de voir le lourdaud de service imiter la secrétaire en mimant un gros ventre, des grosses fesses, et un air revêche, pas envie, non, pas envie.
Évidemment, à l'intérieur, je rigole déjà en imaginant l'imitation de mon chef que je ferais. C'est vrai que ça serait hilarant. Surtout pour moi. Et surtout à ses dépends. Jamais dans la vraie vie, donc.
Mais ma collègue et son verre dans le nez, rien ne l'arrête, alors elle insiste : "Si, si, ça serait trop fort, par exemple, toi je sais comment je t'imiterais !"
Dans mon cerveau, c'est l'alerte rouge, il y a des voyants qui clignotent partout, un seul message : dé-sa-mor-cer, et viiiiiiite, je ne VEUX PAS savoir, je suis susceptible moi !
Trop tard, désamorçage raté, elle est déjà en train de se lancer malgré mes suppliques.
Mais elle fait quoi, là ?
C'est quoi comme imitation, ça ?
Aboule les sous-titres, parce que là je vois pas de quoi il s'agit.
Tu sais que t'as l'air idiot comme ça ?
Ah, c'est ce que tu vois dans mon bureau quand tu passes dans le couloir ?
Ce regard fixe sur l'écran, avec ce sourire niais ?
Hum.
Non, mais quand même, j'ai pas toujours ce sourire débile, hein.
Si ?
...
Ben ouais, c'est parce que c'est hyper drôle des fois mon boulot j'te signale.
Je ne sais pas ce qui est le pire : passer pour une brave fille un peu débile en extase devant ses dossiers, ou admettre que je lis des blogs à fort potentiel huhutant dès que j'ai deux secondes de temps libre...