Ceux qui ont le regard perdu

Publié le 18 octobre 2008 par Jlk
Celui qui ouvre ce livre dans la salle d’attente de la gare et lit : « La gare dormait au fond de sa pendule » / Celle qui aime regarder ceux qui lisent / Ceux qui s’aperçoivent que leurs journées ne comptent presque plus de temps morts / Celui qui s’efforce d’échapper au monde de la fausse parole / Celle qui entend la respiration de l’auteur entre les lignes / Ceux qui se photographient dans la neige / Celui qui écoute la pluie dans les arbres / Celle qui rencontre le poète à la lisière des épicéas / Ceux qui regardent passer les nuages comme des trains endormis / Celui qui jubile de se voir dépassé par les événements / Celle qui se demande quel charme les hirondelles trouvent à ce quartier / Ceux qui se lovent dans les phrases des autres / Celui qui sue l’odeur de patate / Celle qui hume les aisselles des lutteurs / Ceux qui se donnent rendez-vous le long du canal / Celui qui n’écrit que sur des feuilles volantes / Celle qui se fait charrier par ses camarades apprentis aux douches de la fabrique de parapluies / Ceux qui ont peur des femmes esseulées / Celui qui écrit un poème dans la chambrée des fantassins crevés / Celle qui hésite à sourire au bibliothécaire argentin / Ceux qui croient entendre la mer à l’orée de la forêt d’aroles / Celui qui contemple le lac gelé depuis la fenêtre de l’autorail / Celle qui roucoule aux trépidations de sa Vespa / Ceux qui repeignent leurs contrevents en bleu ciel / Celui qui ramène une machine à écrire Olympia à son village de brousse / Celle qui aime frôler les nageurs / Ceux qui boivent de l’absinthe aux fontaines de l’arrière-pays / Celui qui se laisse conduire au ministère de l’Amour pour vérification / Celle qui appelle son dictionnaire sa Machine à Rêver / Ceux qui murmurent dans les allées des bibliothèques, etc.