J'avais cinq ou six ans, je sais plus. J'habitais dans la banlieue parisienne, à
Yerre, dans le château de Budé qui était divisé en grands appartements...C'était la classe...Le château entourait un grand parc boisé où j'ai appris à faire du vélo et à envoyer de la terre
dans les yeux des filles... Souvenirs d'une enfance sans ombres.
Sauf une fois.
Le mercredi,
vu qu'on avait pas école et que mes parents bossaient, j'étais gardé par la voisine du dessous... Dès mon réveil, je devais descendre chez elle. Ce mercredi matin, je me réveille avec une étrange
sensation de dispersion, je suis un peu à côté de mon corps...Mais bon ça marche quand même, je descends chez la voisine, pour boire mon Banania.
Mes jambes me guident vers son appartement, mais ma tête, déjà entravée par un étrange brouillard, perd soudainement
tous discernement devant sa porte... Rien à faire, je ne sais plus ce que je fais là...J'essaie de me reprendre, de comprendre ce qui se passe, mais mes jambes, en totale indépendance, me font
continuer mon chemin....Et me voici qui descend l'escalier en direction du jardin, mes yeux hagards se fixant sur mes chaussures, sur la rampe de bois polie, sur cet étrange couloir aveugle ne
menant vers rien... Et voilà, je suis dans le jardin.
Comme sous une
cloche, les voix de mes amis résonnent...Tous mes amis sont là, devant moi et me parlent...Mais je comprends rien, chacun de leur mot est indépendant, des suites de mots mais pas des
phrases...Ils veulent que je les suive...Je veux pas...mes jambes si...Alors je les suis vers le fond du parc où un grand arbre vient d'être coupé... Tous se mettent en file indienne à côté de
l'arbre et m'invitent, par geste à y prendre place... Et là, chose impossible, ils sautent au dessus de l'arbre dans toute sa longueur...L'arbre allongé doit faire dans les dix mètres, mais sans
effort, ils s'élancent au niveau du tronc pour atterrir en douceur au niveau de la cime... Ils passent les uns après les autres...Puis arrive mon tour. Ils me fixent à côté de la cime,
m'encourageant à sauter à mon tour... Je sens la force monter dans mes jambes mais ma tête lutte...Je veux pas... Je veux pas.... JE VEUX PAS... Enfin un mouvement de recul et je suis libre...
Enfin réunis, mon être fuit le plus loin possible de cette scène incompréhensible...Je remonte l'escalier en courant pour me blottir dans un endroit sombre et sans lumière... C'est là, au fond du
couloir aveugle que, recroquevillé sur moi même, je tentais de mettre de l'ordre... Vingt huit ans plus tard, je me sens toujours comme au fond de ce couloir... Aucune réponse n'est venue et
aucune ne viendra... Rêve éveillé? Hallucination?... J'ai juste appris à me méfier de ce que je vois.... Et à me méfier de ces rêves étranges qui, depuis ma plus tendre enfance, cherchent à me
faire sauter par dessus l'arbre.
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