Ethiopia Remix (3)

Publié le 24 juin 2008 par Icipalabre

La création des conditions d’exil des artistes africains a connu deux impulsions historiques majeures: l’une nourrie par l’enseignement colonial après la 2ème guerre mondiale, l’autre par les crises politiques et économiques des indépendances.
En Ethiopie comme ailleurs, c’est l’insuffisance de l’enseignement artistique qui provoquent les départs. Certains artistes s’installent en France ou en Angleterre, suivent un cursus à la Slade School of Fine Art de Londres ou à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Mais la majorité prend le chemin des universités américaines pour suivre des études de 3ème cycle ou pour y enseigner.

Si le phénomène n’est certes pas unique en Afrique, le choix de l’exil que font bon nombre d’artistes éthiopiens à partir des années 60 explique en grande partie non seulement la rareté des artistes éthiopiens sur la scène artistique européenne, mais surtout l’évolution d’un art qui s’est nourri des expériences d’exil et de retour, d’un mouvement d’éloignement et de rapprochement, de va-et-vient constants.
Le peintre éthiopien  Skunder Boghossian a joué dans ce mouvement diasporique un rôle fondamental.

Skunder Boghossian , après un bref retour dans sa ville natale (1966-1969), choisit de s’implanter définitivement aux Etats-Unis (1970), à Atlanta d’abord où il enseigne la peinture et l’art africain. Le renversement d’Haïlé Sélassié en 1974 et la révolution marxiste hypothèquent son retour en Ethiopie.  A partir 1978 il s’installe à Washington en tant que professeur associé au Fine Art School Department de la Howard University de Washington, regroupant autour de lui une véritable diaspora d’artistes éthiopiens, dont les plus connus sont Wosene Kosrof, Girmay Hiwet, Elisabeth Atnafu et Achyemeleh Debela.
La naissance d’un art “éthiopien” moderne est directement lié à ce contexte universitaire.

Mais il est à rapprocher aussi du parcours personnel de Skunder Boghossian. Ce dernier en effet, lors de ses études à l’ENSBA de Paris puis à Londres, dans les années 60, côtoie Wilfredo Lam (1902-1982), peintre d’origine cubaine installé en France et qui possède un atelier à Paris dès les années 40, avec lequel il fréquente un groupe parisien d’intellectuels qui s’intéressent à un “projet littéraire transculturel de la négritude” et au surréalisme.

Skunder Boghossian
Black Emblem, Oil on canvas, 1969

Skunder Boghossian
Night Flight of dread and delight, 1964

Or Wilfredo Lam est aujourd’hui considéré sinon comme le père fondateur comme l’un des précurseurs d’une tendance “transafricaine” de l’art qui verra naître aux Etats-Unis à la fin des années 60 le mouvement Afri-Cobra. S’il est difficile d’affirmer que Wilfredo Lam a constitué un lien historique entre les artistes de la diaspora éthiopienne et les artistes afro-américains, il est en revanche parfaitement évident que certains mouvements de promotion d’une “authentique esthétique afro-américaine”, tels qu’AFRI-COBRA (fondé à Chicago en 1968), pendants artistiques des groupes  politico-révolutionnaires comme le Black Power Movement, ont influencé la peinture éthiopienne moderne, à travers les parcours individuels de sa diaspora.

NJ

(à suivre)

En savoir plus: voir Galerie Skunder Boghossian sur icipalabre.com

Sources:
http://www.adeiao.org/
http://www.contempafricanart.com/index.html
Musée National d’Addis Abeba