C'est peut-être la page blanche qui m'angoisse, c'est peut-être de ne pas arriver à pondre une seule phrase satisfaisante ou un paragraphe un tant soit peu marrant. C'est peut-être l'ombre de la
crise qui se profile, pas qu'à la télé, mais dans mon quotidien aussi. 2 semaines sans coups de fils, ça commence à devenir long. Freelances et intérimaires, c'est un peu comme le thermomètre de
l'emploi. Des métiers jetables à souhait, des personnes éjectables au moindre tressaut de la Bourse.
Désolée, mais aujourd'hui je n'arriverai pas à vous faire rire, j'essaye d'être drôle et légère mais je le suis autant qu'une baleine dépressive harponnée par des pécheurs japonais qui contournent
le moratoire international de 86.
C'est dire si je suis gaie !
Samedi je suis allée à la manif, celle pour les sans-papiers. A vrai dire, je ne croyais même pas à ce que je faisais. J'étais là, dans l'espérance un peu vaine que plus on est nombreux à défiler,
plus on aura de poids. Mais je marchais comme un robot, à côté d'hommes en situations irrégulières qui travaillent depuis des années en France, qui ont des feuilles de salaires, qui payent des
charges, la sécu et le chômage, mais qui n'auront jamais le droit à rien. Et puis d'autres qui bossent au black pour des salaires de misère... Je n'arrive même plus à me dire que c'est dégueulasse,
je suis vide, je marche comme un automate, de Bastille à République. Et si je pouvais la siffler, la Marseillaise, je la sifflerais bien, mais je n'en ai même plus la force. Je sifflerais sur toute
cette hypocrisie, sur ces milliards trouvés en une nuit, comme dans une pochette surprise, ces milliards pour sauver les banques, alors qu'on nous serine depuis des années que les caisses sont
vides, qu'il faut tout privatiser et que le social coûte trop cher.
Et merde, je me suis détruit le moral toute seule, comme une grande. Je vais aller faire du vélo d'appartement pour me bouger un peu et dégraisser ma tête de toutes ces idées noires.