La naissance de l'automne

Publié le 15 octobre 2008 par Joëlle Sacré

Une petite fille demanda à sa poupée : Dis, pourquoi les arbres perdent-ils leurs feuilles en automne ? La poupée, quelque peu embarrassée, se mit à raconter...
Dans le monde des jouets d’où je viens, on raconte qu’un jour, l’arbre le plus puissant de la forêt tomba amoureux du soleil. A cette époque, il n’y avait pas de saison, tous les jours étaient pareils, les heures se superposaient et les secondes ne faisaient pas les minutes.
On dit même que les nuits étaient si courtes que la lune n’avait jamais le temps d’être pleine.

Cependant les jours se mirent à raccourcir et les nuits commencèrent à s’allonger. La lune passa du croissant à la demi-lune et parfois même elle dessinait un cercle parfait. Certains prétendirent que c’était pour plaire au soleil.
Cette remarque ne laissa pas l’astre de feu indifférent et, très rapidement, le bruit d’un rendez-vous entre les deux intéressés courut.
Pendant ce temps, sur la terre, au fond de la forêt, l’arbre le plus puissant n’arrêtait pas de pousser et de s’étoffer car il avait, en son cœur, le désir secret d’atteindre un jour le zénith afin d’épouser le soleil. C’est ainsi que quand la rumeur de l’idylle des deux astres lui parvint aux oreilles, une colère terrible s’empara de lui.
Rien n’y fit : le rendez-vous des amoureux eut lieu en une magnifique éclipse, dont tous les habitants du monde imaginaire dont je te parle se souviennent encore aujourd’hui. La lune enlaça le soleil qui l’étreignit de ses plus beaux rayons, dans une étreinte qu’ils croyaient éternelle.
Mais dans sa forêt, l’arbre hurlait, trépignait et gesticulait comme un forcené : la folie l’avait gagné et il criait vengeance, les bras levés au ciel et ses feuilles tombant à ses pieds, en des larmes de sang.
Un dieu en eut assez de ce chaos : il stoppa l’éclipse, sévit et dicta sa loi : dorénavant, le temps serait répartit en saisons afin que chacun y trouve son compte et lui, le calme. Le soleil fut promu maître du jour, la lune maîtresse de la nuit et l’arbre, roi de la forêt.
Mais le nouveau roi n’accepta pas cette sentence et il transmit à sa descendance une rancœur puissante et indestructible. Et c’est ainsi, vois-tu, qu’à chaque fois que les jours raccourcissent, l'automne revenu, les arbres deviennent mélancoliques et pleurent des larmes de sang aux reflets d’argent.

La poupée regarda la petite fille qui restait sans réaction : elle s’était endormie