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Jour de joie

Publié le 22 octobre 2008 par Cameron

Il y a des jours où les bâtiments semblent générer leur propre lumière. Comme ce matin, par exemple. La lumière ne venait pas du ciel, épaissi de nuages, mais de la pierre elle-même. En cette saison aussi, tout s’aiguise, tout devient plus net, plus découpé, et mon attention si vacillante prend le même chemin. J’en étais presque à souhaiter que le ciel ne se dégage pas.

Mais en réalité, c’est l’entre-deux qui m’intéresse. Le moment mort où les pensées sont encore à bascule, où il semble que tout soit possible, et le meilleur d’abord, et l’excitation du jour à venir juste parce qu’il va venir est comme une minuscule déflagration en soi. Le monde, mon monde du moins, m’est alors immédiat.

Pourtant… pourtant, il ne s’agit pas de faire quoi que ce soit de ces instants-là, tu sais. Juste de les vivre. De les entendre, au sens le plus physique du terme. Peut-être est-ce du gâchis, à vrai dire, je ne suis pas très sûre. Je vois juste l’intense et irrépressible joie qui m’envahit durant quelques secondes, et puis voilà, et puis c’est tout. Et je ne sais jamais comment décrire de tels moments. D’où vient qu’il soit si facile d’écrire la tristesse, et si compliqué d’aborder ce grand territoire inconnu qu’est le bien-être ? Au fond, je dois bien penser que le bonheur est illégitime, que le sentiment d’exaltation, lorsqu’il n’est pas inspiré par quelqu’un ni par un événement précis, est indigne de soi. Qu’il est une preuve de ce que nous ne contrôlons pas grand-chose de notre propre esprit.

Il reste que la joie est bel et bien présente, certains jours. Neutre, et pure peut-être, en tous cas décalée, elle s’impose comme une certitude, et de ne pas savoir d’où elle jaillit ne suffit pas contre son écrasante présence. Je t’écris cela aujourd’hui en songeant, vaguement, aux nombreuses discussions que nous avons pu avoir sur le sens de la vie, sur l’impression de se réaliser absente de nos propres existences. Figure-toi que cette expression, « se réaliser », me fait horreur. De plus en plus. Elle ne veut rien dire, au fond, elle ne sert qu’à justifier nos petites lâchetés quotidiennes, et l’égoïsme fondamental qui nous guide. « Réaliser », à la limite, me conviendrait mieux. Réaliser quoi ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais peu importe. Disons, réaliser au sens anglo-saxon du terme, réaliser ou prendre conscience de l’infinie quantité de choses qui ne dépendent pas de nous, et n’attendent pas après nous pour advenir. Comme cette joie peu avouable qui m’habite aujourd’hui. Pour une fois, je vais oublier l’idée de contrôle qui m’obsède tant. Pour une fois, je vais juste… savourer. Toute à ma joie.

P. S. : ceci est la note qui aurait du paraître lundi soir, et repostée in extenso.


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