Une fois passé l’affect du premier regard, on se demandera ainsi d’où vient cette création de l’artiste éthiopien Tesfu Assefa, à quelle histoire est-elle rattachée, à quelle logique obéit-elle, comment l’idée même de ce tableau a-t-elle surgi dans l’imagination de son créateur ?
Une femme seule, agenouillée sur une natte sombre, semble se délecter de son isolement. La posture singulière de cette figure féminine évoque plusieurs thèmes éminemment modernes: la solitude, la méditation, et peut-être aussi l’émancipation ou le droit des femmes dans les sociétés africaines traditionnelles. le sujet vit un instant de solitude et de liberté. Elle ferme les yeux et dirige son visage vers le haut comme pour atteindre l’objet de son rêve. L’immobilité évoque le recueillement et la concentration, et de toute évidence un geste emprunt de spiritualité. Rien au monde ne semble pouvoir la contraindre: la voici libérée de toute nécessité. A quoi pense-t-elle ? Nul ne le sait. L’artiste lui-même n’a pu maîtriser son personnage qui pourrait tout autant figurer la pénitence que la béatitude.
Dans sa composition, le tableau n’est pas s’en rappeler le style symboliste et décoratif qui caractérise les oeuvres les plus célèbres du peintre viennois Gustav Klimt comme “Le Baiser” ou “les Trois âges de la vie”. Comme chez Klimt, la femme intervient au niveau figuratif et semble cernée par un décor enveloppant qui la transporte vers une apogée, une exaltation des signes -comme cette surface fragmentée, mélange indistinct de fleurs et de clignotements de lumières, qui semble emporter le personnage dans une ascension; une force irrésistible à la fois extérieure et intérieure, se confondant dans son mouvement avec la chevelure, et qui n’est plus dès lors un simple élément ornemental mais participe au “système signifiant” décrit par le peintre. Deux surfaces planes, l’une verticale, l’autre horizontale, si elles accentuent le découpage de la silhouette et l’impression d’isolement, n’en sont pas moins elles aussi constitutives du sujet. Elles figurent la réalité du cadre. Le traitement des nuances entre le vert dominant du fond, la robe, le visage et les membres apparents de la femme, en suggérant un effet de transparence, semble indiquer une aliénation: cette femme tente d’échapper au réel par la prière et à la méditation. L’effet de contre-jour qui se lie sur le visage n’en est que plus significatif: l’instant est proche où le personnage, happé par la lumière, se libérera des contingences terrestres. Le spectateur assiste ici à l’ultime moment, où le personnage, par la force de son esprit, quitte le monde réel pour gagner l’éternel.
NJ