Durant ces longs mois destinés à s'assurer que je deviendrais un parfait vampire, je me pliai assidûment aux exercices prescrits par mon précepteur. Le plus difficile et frustrant d'entre eux consistait à manipuler des objets d'une fragilité extrême sans les abîmer, des choses aussi absurdes que des vêtements de pétales de fleurs. Combien de fois je m'irritai d'échouer encore et encore et dus repousser un désir rageur de tout envoyer au loin! Maîtriser mes émotions aussi faisait partie de l'entraînement.
Malgré mes innombrables échecs, je ne me décourageai jamais plus de quelques minutes, même dans la journée en l'absence d'Antoine. Echappant dès que possible à mes obligations familiales, j'appris à contrôler mes gestes, à résister à la tentation, à parler avec un corps étranger dans la bouche, et je m'habituai à l'idée de quitter ma famille à jamais.
Tout était désormais prêt pour ma transformation. Je prétextai un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle et fis mes adieux à mes proches dans une inhabituelle effusion de tendresse. Le vieil érudit comprit-il la vérité? Plus que certainement. Mais, à ma connaissance, il conserva pour lui ce lourd secret.
Puis je rejoignis Antoine à l'endroit convenu.