Le vrai pardon

Publié le 24 octobre 2008 par Cochondingue
L'autre jour, Oscar Wilde m'a demandé : Tu ne serais pas un brin rancunière, toi ?
Moi ? Rancunière ? Il me connaît bien mal pour penser ça. Le Pardon, c'est l'essence de tout mon être. D'ailleurs, tous mes amis m'appellent Jésus (Djizeusse pour les intimes).
Des fois même, je m'épate : on me frappe la joue droite, je tends la gauche. Certains doivent penser que c'est par faiblesse et que ça n'arriverait pas si j'avais suivi mes cours de ninjutsu jusqu'au bout. C'est exact, mais je tiens à dire que j'aurais peut-être continué cette activité si lors d'un combat la cage thoracique d'un des élèves n'avait pas dégorgé tous ses boyaux sur le tatami.

Non, je ne suis pas rancunière. J'ai passé ma vie à pardonner. J'ai pardonné à mes parents de m'avoir appelée Cochon, même si dans le même registre animalier, j'aurais préféré Chevreuil. J'ai pardonné à mon frère d'avoir invité un jour un copain psychotique qui m'a balancé un goldorak en métal dans l'oeil et qui s'est ensuite excusé en m'expliquant que l'espace d'une seconde, je ressemblais exactement à un gogolth antérak. Alors forcément, comme il avait pour mission de supprimer l'ennemi envahisseur, je me suis pris le cornofulgure dans la figure. "C'est quand même trop fragile, un oeil" a t-il conclut un peu penaud alors que je lui lançais mon regard assassin de borgne furieuse. Mais même à lui, j'ai réussi à pardonner.

Alors après, tout n'était que broutilles : les mesquineries, les trahisons, les tromperies, les mots cassants, les poignards dans le dos et les coups bas... J'ai passé l'éponge.

Par exemple, la dernière fois, j'attendais sur le quai du métro quand j'ai vu arriver une femme qui visiblement avait du mal à maîtriser son chien. Celui-ci avait repéré une souris sur les rails et n'avait qu'une idée, foncer pour la choper.
Un grognement par ci, un aboiement par là, la maîtresse hystérique qui essaye de calmer le chien fou, et la voici projetée 2 mètres plus bas, sur la voie.
Elle était totalement en panique et n'arrivait pas à se hisser sur le quai. Je me précipite pour l'aider, mais arrivée devant elle, je m'arrête. Sa tête de catcheuse et son corps de bûcheron canadien me disait bien quelque chose. Mais quoi ? Ah oui ! Je me rappelais parfaitement à présent.
- C'est toi Elisa ?
 - Euh, oui... On se connaît ? Aidez-moi s'il vous plaît !
- C'est moi, Cochon ! On était dans la même classe au collège. C'était le bon vieux temps ! On passait toutes nos récrés ensemble. Tu te rappelles comment j'étais ta tête de turc ?
- Vous pouvez m'aider à remonter ?!!
- Haha ! Tu avais une sacrée force à l'époque. La fois où tu m'avais déboîté l'épaule, c'était quelque chose !
- Pitié ! Je n'arrive pas à me hisser.
- Et la fois où tu m'avais étranglée parce que t'avais juste envie de te défouler sur quelqu'un et que je passais malencontreusement par là...
- MAIS AIDEZ-MOI PUTAIN ! LE METRO VA ARRIVER.
- Mais le pire c'est quand tu m'avais aspergée de merde. Je t'en avais beaucoup voulu à l'époque...
- PITIE ! Je vous en prie ! Tirez le signal d'alarme !
- Et bien je voulais te dire quelque chose de très important : tu peux être en paix à présent, je t'ai tout pardonné.

Ma bonté d'âme me transportait dans une autre dimension, celle des saints et des créatures divines. Je me disais que j'étais bonne, bien bonne, que je méritais une béatification du Pape, et cela me faisait pleurer de bonheur. Elisa criait et pleurait aussi, tout à la joie de nos retrouvailles. Et puis le métro est passé et forcément c'était un peu plus dur pour continuer notre conversation.
Comme je suis généreuse et charitable, je suis allée voir mon amie à l'hopital. Je lui ai dit encore une fois que je lui pardonnais ses erreurs. Après tout, elle était très jeune à l'époque.
Elle ne m'a rien répondu... Faut dire que le coma, ça n'aide pas à la communication...

Moi, la vengeance, je ne connais pas. Je laisse le ressentiment et la rancoeur à d'autres. J'ouvre mes bras et j'accueille tous ceux qui m'ont fait souffrir. C'est ça le vrai pardon.