Méprise

Publié le 11 septembre 2008 par Danielrondeau
La première chose que j'ai constatée, c'est un vélo par terre, en plein milieu d'une voie, coin Berri et Sainte-Catherine. Puis j'ai vu un homme étendu par terre entouré de deux policiers. Alors je badaude, je m'approche, pour voir les blessures, pour voir à quel point je n'y peux rien. Et je constate.
Je constate que le vélo est celui d'un policier. Je constate que l'homme par terre à le teint d'Amérique latine. Je constate qu'il n'est pas blessé mais maintenu au sol par de solides genoux légaux dans le dos qui le font grimacer de douleur, les mains bien attachées. Sans doute un voleur de sacs à main ou un petit revendeur de poudre. Je n'entends pas ce que les policiers lui disent à l'oreille, mais je soupçonne que ce ne sont pas des mots d'amour.
Circulez, il n'y a rien à voir.
Et les gens circulent, usés à ce genre de spectacle. Quelques-uns jettent des regards en biais dans lequel on peut lire «Sale petit caïd!», «Maudit immigré!» et autres «Bien fait pour toi!» Je reste un peu, pour voir, et je vois, et je me dis que ce n'est pas un boulot facile, revendeur de poudre. Ni policier.
Sur l'épaule des policiers, le haut-parleur du talkie-walkie crachent quelques mots que je n'entends pas. Les genoux se retirent. Un policier enlève les menottes au brigand à qui il jette nonchalamment quelques excuses. Ils l'aident à se relever, lui donne deux trois petites tapes ridicules dans le dos, lui disent qu'ils se sont gourés de gars, qu'il peut repartir, comme les pêcheurs font avec les poissons trop petits. Et l'homme déguerpit sans demander la monnaie, d'un coup qu'il y en aurait.
Les bras longs de la loi jettent un regard inquiet et rapide aux alentours. Peu de badauds, pas de caméra. Soulagement. Puis ils s'éloignent.
Circulez, il n'y a rien à voir.
Ce n'était qu'une méprise.
Que simple méprise.
Putain de routine.