Les malheurs de julie

Bien sûr parfois je m’inquiète de ne pas être suffisamment charitable. Parfois je m’inquiète de sourire du malheur des autres. Encore que je le fasse toujours en solitaire, dans le silence de mon appartement, pensées parmi d’autres.
J’aime bien Julie. C’est une fille gentille qui essaie de s’en sortir comme elle peut dans Paris.
Voilà environ trois semaines, nous avons dîné ensemble, un dîner à plusieurs filles.
Elle revenait d’une escapade en amoureux au Canada. Ses yeux brillaient, brillaient, brillaient. Je lui ai demandé depuis combien de temps elle était avec son copain. S’il allait lui offrir une bague (chez moi la bague c’est un truc important, je suis matérialiste). Lui proposer le mariage (je pense intellectuellement que le mariage ou le pacs ou tous ces trucs sont une fumisterie ; je pense aussi, plus réaliste, que tout acte juridique et écrit est un engagement plus fort que quelques paroles). Elle a répondu que cela faisait sept ans maintenant et qu’elle était toujours aussi amoureuse. A vrai dire, elle n’avait pas besoin de le préciser tellement sa situation de grande amoureuse se lisait dans son beau sourire béat.
Voilà environ trois semaines nous étions en septembre. Le monde n’avait pas encore changé. Cette année, octobre a vraiment été un mois pourri. La bourse a tout entraîné dans son sillage destructeur. Détruits les portefeuilles des petits porteurs, détruites les valeurs des entreprises, détruits les emplois de l’industrie automobile, détruits les bonus monstrueux des traders. Bien sûr, parfois je relativise tout cela, regain d’optimisme. Les économistes expliquent que la bourse est revenue à son niveau de 2003, en 2003, c’était il y a cinq ans, si je me souviens bien je n’étais ni plus ni moins heureuse. Et puis après je me demande si j’ai raison de relativiser. J’ai décidé de ne plus trop écouter les informations à la radio.Le problème de ce mois d’octobre à la bourse folle c’est que, comme disent les spécialistes, la crise financière envahit l’économie réelle. 
Les vrais gens sont déstabilisés. En un sens, ils perdent le sens des orientations.
Le mec de Julie l’a plaquée comme une merde.
Bien sûr la taille du diamant posé sur la bague était un signe annonciateur. Il était proportionnel à l’amour porté : minuscule et ridicule. 
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu