Magazine Journal intime

Si je me souviens ?

Publié le 25 octobre 2008 par Lephauste

Si je me souviens bien il devait être Midi, mais comment savoir, le soleil d'ici à renoncé au zénith. Le village était comme celui d'où mon père venait, un village où l'on arrivait par un versant de colline éventrée par le four à chaux tout proche. Mais là si je me souviens bien, pas de chaux, pas de four, un village et le bordant un oued au fond duquel une eau stagnante ... Si je me souviens,  le lieutenant se tenait un peu en retrait, les jumelles vissées sous la visière du casque lourd. Si je me souviens bien ça faisait un mois que nous allions ainsi, section armée au service de la paix, de village en village, pacifiant le désert au nom de l'idéal alter-mondialiste. Si je me souviens bien mais cela fait vingt huit ans à présent, le lieutenant a fait mettre en batterie les deux mitrailleuses lourdes puis ... mais est-ce que je me souviens ? ... Le reste de la section s'est engagée sur la pente de pierres nues, dans la poussière le lieutenant son pistolet automatique à la main, nous a ordonné de nous déployer et nous avons dévalé, roulant sur les cailloux plus que marchant. Et puis là, je me souviens bien, on a commandé le feu : Feu à volonté !

Et  durant quelques minutes le village s'est transformé en une fourmilière dévastée par le coup de pied vengeur d'un enfant hideux : Feu à volonté ! Qui avait donné l'ordre ? Nous hurlions ... Je ne me souviens plus mais quand ça a été fini mes mains étaient brûlées, la crosse, l'acier m'étaient rentrés dedans, à chaque coup de feu, à chaque fois que la baïonnette perçait la robe d'une femme, faisait sauter des mains de l'enfant qu'elle portait contre elle en tentant de fuir, le jouet insignifiant qu'il était devenu, mon pistolet mitrailleur se greffait un peu plus au creux de mes paumes. Mais pourri de haschich, je ne sentais rien, plus rien, je hurlais et ma sueur était le sang séchant sur les murs des maisons, à présent tout à fait silencieuses. Les mitrailleuses ont craché encore quelques rafales et puis le lieutenant à commandé le rassemblement. Nous nous sommes comptés, à partir de l'homme de base et nous sommes remis en ordre de marche, sans nous regarder. Si je me souviens bien il devait être une heure moins le quart mais impossible de savoir au juste, le soleil s'était voilé d'un épais brouillard de fumées. Le village brûlait à présent.

"Si je me souviens bien, lors de la déclaration de guerre toute la main d'oeuvre étrangère issue des pays belligérants à été expulsée de France. Femmes, enfants, vieillards, hommes valides, tous on les a sommés de déguerpir au plus tôt. La seule façon pour rester ici c'était de s'engager dans l'armée, alors c'est ce que j'ai fait, je me suis fait enrôlé."

Dans quelques jours, les clairons de ce côté-ci du Rhin vont sonner la sonnerie aux morts et celle de l'arret des combats. Dans quelques jours il est fort à parier que l'on nous ressortira le bon visage du "poilu" Ponticelli. Exemple même pour le bourreau en talonnettes de l'Elysée d'une intégration parfaite. La courte phrase entre guillemets, ce "si je me souviens bien", est extraite d'une interview que cet italien naturalisé par le feu et l'acier a donné. Dans cette dernière le journaliste voulait savoir quelle bravoure patriotique avait poussé monsieur Ponticelli à rejoindre les forces du bien de l'époque ...

Un commentaire peut-être ? Oui ! Sarkozi démission !


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