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Mais l’été

Publié le 26 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Mais l’été, qui suivit l’obtention de ses diplômes, plongea Paris sous une canicule ardente. Juillet de feu. Les bassins s’étaient asséchés. La fontaine Médicis s’enflait de pestilence. Les grands marronniers du Luxembourg, comme des condamnés couvert d’une couronne d’épines, lançaient dans un ciel de platine leurs pauvres branches chargées de feuilles brûlées. Les merles noirs, couchés sur la terre aride, ouvraient et fermaient leur bec, dans des convulsions d’agonie. Même les vielles dames chics, sous leur chapeau de fine gaze, ouvraient leur chemise de soie, laissant leur poitrine creuse happer des restes d’air, à l’abandon, dévêtues de toute pudeur. Les pelouses restaient brunes, malgré les arrosages. L’eau, en gouttelettes chaudes, s’envolait dans un arc en ciel incandescent, petites bulles de vapeur, sans redescendre sur les vasques de fleurs. Les géraniums, les résédas, les roses ... tous les êtres du jardin s’en allaient mourir, dans ce feu de l’été.

Julia souffrait. Sa peau s’asséchait. Par endroit, presque ridée. Son ventre, jauni, lui faisait mal. La peau si délicate de ses mains, de ses pieds, de ses jambes partaient dans de grands lambeaux. L’air, qu’elle aspirait avec difficulté, incendiait sa gorge et déchirait ses poumons à coup d’épée. Elle restait allongée. La terre se montrait trop dure pour l’accueillir. L’herbe, tout aussi souffrante, refusait sa présence. Même les marbres des reines de France avaient perdu leur fraîcheur. Alors, elle se tenait des heures, étendue sur son lit, inerte, malade, sans vigueur, l’esprit flottant entre deux mondes. Son rosier pendait à son côté, gris, falot, privé de toute beauté. Parfois, s’extirpant de sa torpeur mortelle, elle titubait jusqu’à la salle de bain, et se noyait dans l’eau tiède, la tête douloureuse appuyée contre l’émail blanc de la baignoire.

Elle s’abreuvait d’eau glacée, stockée par pack entier dans le réfrigérateur. Mais rien n’y faisait. Cette langueur terrible ne s’estompait pas.

Des nuits brûlantes et noires succédaient aux jours gris, plus infernales encore. Les touffeurs sortaient alors du creux de la ville, et la tenaient éveillée, infiniment, sans espoir de fuite dans des rêves de lacs et de forêts enchantées, ou de banquises exquises, où se seraient amusé de jeunes tribus de phoques, s’éclaboussant en riant, et pourchassant des pingouins farceurs, rois des pirouettes sur glace.


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