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Après juillet

Publié le 27 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Après juillet, le début d’août s’enflamma de la même manière. Des ciels de plomb s’abattaient sur Paris. Les géraniums grillaient aux fenêtres. Les feuilles des marronniers tombaient comme à l’automne, déjà mortes, brunes, sans avoir connues les splendeurs des jaunes, des orangés et des cramoisis d’octobre. Julia allait de plus en plus mal. Sa mère l’avait accompagnée consulter quelques spécialistes, mais son cas mystérieux les laissait dans une grande perplexité, son rosier ayant juste assez de force pour déjouer les examens cliniques et les radiographies.
 
Julia se mourait, à petit feu, jusqu’à cette nuit magique où l’appel de la pluie l’arracha de sa lente agonie. La pluie. D’abord, quelques gouttes, larges, épaisses, qui s’aplatissaient sur le carreau, une à une. Puis leurs pas se rapprochèrent. Elles se firent plus intenses. Julia sentait leur fraîcheur exhaler ses premières caresses. Elle se leva, jusqu’à sa fenêtre entrouverte, en écarta les deux battants, et respira, aspira, inspira, huma, avala avec gloutonnerie cette eau qui zébrait d’argent les profondeurs noires du firmament. Elle tendait les mains vers ses rivières tombées du ciel. Elle s’en aspergeait le visage, les yeux, la bouche, les cheveux. Mais son rosier en désirait plus encore. Il avait besoin de vie, d’univers entiers, de profondeurs liquides et mouvantes.
 
Alors Julia sortit. Elle enfila juste une chemise de nuit légère et s’en vint dehors, dans la rue, pieds nus dans les flaques qui commençaient à se former sur le trottoir de la rue Gay-Lussac. Personnes. Les rares passants nocturnes avaient fui ce déluge soudain, que Julia épousait de tout son corps. Elle s’était enracinée au centre de la chaussée, tête renversée, les bras tendus, perpendiculaires à son corps, les branches tirées à l’extrême, les feuilles écartées. L’eau ruisselait sur sa peau, pénétrait chacun de ses pores, si longtemps asséchés, et s’accumulait en torrents tumultueux, qui traversaient en flots sauvages sa chevelure, redescendaient en course folle le long de son cou, puis s’engouffraient entre ses seins, sur son ventre, sur ses branches, entre ses cuisses, tombaient sur ses jambes, jusqu’à ses pieds pour s’éclater avec force et fracas sur le sol. L’eau parcourait tout son être de vagues et de spasmes de plaisir, qui allaient et venaient, dans sa tête, dans ses mains, dans ses feuilles, dans ses doigts. Cette pluie vivante la gonflait de son souffle, de son ardeur, de sa puissance fraîche.
 
Julia se mit en marche, plus légère. Sa chemise blanche, collée contre son corps, modelant ses formes vives, illuminait la rue sombre et mouillée d’une présence irréelle.  


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