De la douleur des gros

Publié le 26 octobre 2008 par Louloute01
Les minces ignorent la douleur des gros. Qui peut la comprendre ? A part les gros eux-mêmes. Etre gros c'est être gros tout le temps : le matin, le soir, le midi. Et puis on est gros toute l'année. L'été est certes horrible, avec ses maillots de bain et ses chaleurs étouffantes mais le gros a également chaud l'hiver. Dès qu'il court après le bus, dès qu'il danse, dès qu'il fait le ménage. Etre gros, c'est trainer un corps, son corps. Comme un cadavre, comme un boulet. Il faut le lever, le tirer, le pousser. Il y a des jours où on l'abandonnerait bien dans le coffre d'une voiture.
Et puis, tout le monde sait que vous êtes gros. A la limite, quand vous êtes homo, mère célibataire ou même adepte des colliers de chiens, ça ne se lit par sur votre visage. Mais gros tout le monde le voit, tout le monde le sait.
Si vous êtes en retard le matin, pas le temps de déjeuner, que vous arrivez au bureau en mangeant un croissant vos collègues se disent que vous êtes déjà en train de vous empiffrer, et dès le matin ! Et si pour tout déjeuner vous vous contentez d'un sandwich dans la rue, les gens se disent que vous n'avez pas besoin de ça. Ah oui ? Pas besoin de manger ? Bah tiens...
Alors quand on est gros, on vit avec cette idée, tout le temps. En  dehors des lieux publics, il y a les "épreuves" de la vie. Un entretien d'embauche,  un premier rendez-vous amoureux, c'est stressant pour tout le monde non ? Mais quand on est gros et qu'on transpire sous le coup de l'émotion, quel spectacle coyez-vous qu'on offre ? Cela entame la confiance. Alors vous rentrez le ventre pour les photos, vous laissez votre serviette proche du bord.
Et puis un jour, de manière régulière d'ailleurs, vous en avez marre d'être gros. Vous essayez de moins manger. Vous attaquez un énième combat contre la faim, la vraie, aussi intense que la peur, aussi puissante que la haine. La haine de soi en fait... La faim vous colle les parois de l'intestin, vous creuse, vous obsède, vous fait tourner la tête et vous donne mal aux doigts. L'imagination prend le relais, mettant des images sur vos envies...
Rassasier cette faim est comme un shoot, une ultime injection, un dernier rail. La plaisir, presque jouissif qui s'accompagne presque immédiatement de la culpabilité. Aussi forte que que la faim elle-même finalement.
Mais la nourriture ne vous juge pas, elle est toujours là pour vous. Elle console, elle réconforte, elle comble. Elle ne demande rien en échange, elle est fidèle, à la hauteur, elle ne déçoit pas, elle est facile d'accès, ne demande qu'à être partagée.
Et même si demain vous mourriez étouffés sous les kilos, il y en aurait encore pour penser devant un aussi grand et large cerceuil que vous vous êtes vraiment laissé aller.