Vous connaissez le principe ?
Un enchaînement dans lequel la chute d'un élément déclenche les chutes successives d'autres éléments, à la manière de dominos positionnés les uns à côté des autres.
Maintenant à vous…
A huit heures trente du matin, prenez une rame, de métro de préférence, car les stations sont plus rapprochées, vous comprendrez pourquoi dans quelques instants. Puis sélectionnez un wagon.
Insérez à la louche des hommes et des femmes, de tout âge, des adolescents éventuellement mais surtout pas d’enfants, ils sont à l’école à cette heure-ci et vous pourriez rater votre préparation. Donc, une population entre vingt et soixante ans, une population active, « une France qui travaille », « une France qui a de la chance », comme si le travail pouvait être une chance que l’on peut croiser comme cela au petit bonheur. Mais cela est une autre histoire…
Constituez un échantillon exhaustif. Des grands, voire très grands, des petits et même très petits, des chaussures plates et talons hauts, des baskets ou bottes, des blonds, bruns, roux, des chauves et grisonnants. Ajoutez les fortes poitrines, les grands pieds, les poilus, les parfumées à outrance et les pas très propres.
Elargissez les conditions sociales de toutes origines, populaires, classes moyennes, mais attention, évitez les classes supérieures, le goût de cette opération manquerait de réalisme, ces gens-là ne prennent jamais le métro…N'oubliez pas, les costards cravates, les jeans, les tennis ou chaussures vernis, les blousons de coton ou les impers en nylon, les tailleurs ou jupes à volants, les chemises et tee-shirt.
Tous les ingrédients sont à présent réunis, vous pouvez vous lancer.
Vous êtes collé à la vitre de la porte et la rame démarre. Votre voisin, tourne inlassablement son index sur le pourtour du bouton d’ouverture de la porte et cela vous agace, il tourne et tourne, il s’ennuie, ces transports nous font faire des choses tellement idiotes ? Quel effet cela procure ? Vous fulminez, il risque de faire capoter l'expérience…
Ouf, il a cessé son manège!
Vous patientez, vous le savez, ça peut arriver à n’importe quel moment, à tout instant, mais quand ?
Vous lâchez la porte pour vous grattez l’aile du nez qui vous démange depuis quelques minutes. A présent, votre sacoche serrée fermement dans la main gauche et votre main droite déboutonnant votre manteau, devenu superflu dans cette atmosphère surchauffée, vous êtes en situation précaire…
Et soudain, le choc…
Brutal, violent déstabilisant. Le conducteur se serait-il jeté sur le frein de tout son poids? Aurait-il été surpris par un rat traversant les voies?
En pleine vitesse, environ soixante-dix kilomètres par heure, quelle est la distance de freinage? Quelle serait alors l'intensité de la force exercée sur les passagers?
Je vous confie le calcul et reviens à mes dominos…
Le mouvement du contenant c'est dire la rame, cessant brutalement, celui du contenu, les passagers, vous, nous, se poursuit malgré tout. Nos corps sont alors projetés vers l’avant du wagon dans un seul et même mouvement. L’effet domino est en marche. Les uns s’agglutinent sur les autres. Malgré nos gestes désynchronisés, les réactions de chacun sont identiques, résister à la pression, se retenir à quelque chose, à quelqu’un, mais les réflexes sont plus nuancés. Résultat, un congloméra de bras jambes pieds, des corps les uns contre les autres, les autres sur les uns, les coudes, les sacs, les mains, les cheveux s’emmêlent, s’entremêlent, s’entrechoquent, se disloquent, des cris de douleurs crépitèrent, suivis de clameurs de surprise consternée, d'indignation d’où s’échappent peu à peu quelques murmures d’excuses.
Ensuite vient l’heure du bilan : des cœurs palpitants, des côtes brisées, des pieds écrasés, des bleus sur la peau, des pincements aux bras, des cheveux arrachés, des poignets tordus…
Les rames de la ligne 1 ont des freins très performants, paraît-il. Je confirme, une prouesse technologique! Le conducteur, en effleurant à peine la pédale, parvient à réussir ce magnifique effet domino avec deux mille personnes. Bravo!
Ligne 1, accrochez vos ceintures