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Idi Amin Dada, les Anglais et les télégrammes

Publié le 24 juillet 2007 par Stella

Il est, dans le monde, des gens dotés d’un culot si phénoménal que leur actes se situent sans cesse entre la farce grotesque et le tragique déséquilibre. Idi Amin Dada était de ceux-là. On en découvre une nouvelle preuve aujourd’hui avec la publication, par les Archives nationales de Grande Bretagne, d’un télégramme daté du 28 mai 1973 adressé par l’ex-dictateur ougandais au Premier ministre Harold Wilson. « Je mets mes bons offices à la disposition des parties opposées en Irlande du Nord », écrit-il, avant de proposer la tenue d’une conférence de paix à Kampala, « loin du théâtre des opérations et des antagonismes ». A cette époque, l’Irlande est déchirée depuis 1968 par une guerre fratricide entre catholiques et protestants.

Mais qu’allait-il faire dans cette galère ? La terreur est comme l’argent, elle permet de s’offrir un peu n’importe quoi. Idi Amin, l’imagination en verve, s’était octroyé quelques titres qui faisaient de lui le Président à vie Maréchal Docteur el-Hadji Idi Amin Dada, Croix d’honneur, Victoria Cross – dont il arborait l’insigne fabriqué par un joaillier londonien qui y avait gravé, l’honneur est sauf, les mots victorious cross – Grand-Croix de la Valeur militaire, Seigneur de toutes les Bêtes de la Terre et de tous les Poissons de la Mer et surtout, Roi des Ecossais, Vainqueur de l’Impérialisme britannique en Ouganda et dans tout le reste de l’Afrique.

Des fonctions qui donnent tout de même quelques prérogatives… On dit qu’il se promenait parfois en kilt, un vêtement qui, s’il honore la silhouette des lords anglais élevé à l’eau chaude (thé) et au pur malt (whisky), n’avantage pas vraiment les mangeurs de matooke (banane frite, plat traditionnel ougandais) ayant tendance à l’embonpoint. Mais qu’importe. Le roi d’Ecosse se sentait donc fort concerné par les avanies pouvant atteindre un morceau de sa « patrie » du nord. A commencer par les difficultés d’argent. En décembre 1973, la représentation diplomatique britannique en Ouganda transmettait au Royaume une offre du général Idi Amin destinée à « sauver la couronne de la ruine ». Le premier choc pétrolier ébranlait alors les économies européennes et le gouvernement conservateur d’Edward Heath vacillait. Les travaillistes réclamaient l’aide du Fonds monétaire international pour remettre la Grande Bretagne à flot. La situation économique était empoisonnée par de grandes grèves dans l’industrie et le taux de chômage culminait. Dans ce contexte orageux, l’Ougandais en chef souhaitait offrir à sa « cousine » européenne un peu d’argent. Un autre télégramme rendu public par les Archives fait état de la compassion des Ougandais pour les « pauvres anglais » victimes de la famine. Idi Amin informe le gouvernement de l’ancien colonisateur que son peuple a fait une collecte et tient à sa disposition quelques 10 000 shillings ougandais (4,35 euros ou 3 £ de l’époque). Le 21 janvier 1974, il annonce également que les habitants du district de Kigezi (sud-ouest du pays) souhaitent faire don d’un camion chargé de légumes et de farine. Mais « il faut venir le chercher rapidement avant qu’il ne se gâte », précise le télégramme.

Aujourd’hui, de telles élucubrations font rire. A l’époque, Whitehall riait jaune. Idi Amin, tyran sanguinaire, était inscrit sur la liste noire des Britanniques. Les diplomates peinaient à maintenir des relations à peu près normales et, en l’occurrence, ne répondaient que du bout des lèvres aux rocambolesques propositions du roi d’Ecosse. Au jour de son renversement, en 1979, Idi Amin Dana sera reconnu responsable de plus de 300 000 morts et de la ruine économique de son pays. Il avait gouverné avec tant de sauvagerie que, on l’apprendra plus tard, l’ancien secrétaire d’Etat, Lord Owen, avait envisagé de le faire assassiner.


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