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Les préparatifs du mariage

Publié le 30 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

III

Les préparatifs du mariage inondaient la rue Gai-Lussac d’une effervescence joyeuse. Le soleil printanier de mai s’amusait avec les cartons d’invitation, les cadeaux, les longs voiles de tulle, les bouquets de fleurs… Hermann jouait son va-tout vis-à-vis du père de Thoby, un riche magnat de la presse, et dépensait sans compter pour ce mariage qu’il souhaitait clinquant et doré. Il avait commandé les champagnes des plus grands millésimes, fait tailler sur mesures par des couturiers réputés ses costumes et les robes de Jeanne et de Julia, réservé le plus beau salon du Grand Hôtel pour la réception et la suite nuptiale pour les futurs mariés et surtout, demandé à un artificier de renom la mise en scène d’un gigantesque feu d’artifice. Le plus difficile fut l’autorisation préfectorale mais ses appuis politiques et financiers lui avaient obtenu ce précieux sésame.

Julia se moquait bien de ces préparatifs et laissait faire son père. Elle s’était cependant prêtée de bonne grâce aux nombreux essayages que nécessitait sa robe blanche, aux multiples voiles, dentelles et autres broderies. Pourtant, son rosier, compressé par l’aspect corseté de la robe, souffrait, à chaque fois qu’il lui fallait enfiler ces tissus de soie sauvage. Elle serrait les dents, soufflait, sous les clameurs admiratives des couturières qui l’habillaient.

La jeune femme devenait de plus en plus belle. La douceur de son teint, sa peau exquise, ses traits si frais, la clarté de son regard d’émeraude … Julia s’était aperçu d’un grand changement sur son rosier. Dès les premiers jours qui avaient suivi sa rencontre avec Thoby, de minuscules boutons de roses s’étaient posés à l’extrémité de ses branches. Encore timides, au début, bien cachés par les feuilles, Julia les avait découverts, d’une caresse machinale dans son petit arbuste.

Depuis, ces bourgeons de fleur forçaient sa curiosité et son émerveillement. Il ne passait pas un jour où l’un d’eux ne changeât de couleur, passant du brun foncé, presque noir, vers un rouge sombre, teinté de vert. Certains grossissaient plus vite que d’autres. Et de nouveaux apparaissaient encore. Julia n’arrivait plus à les compter. Chaque branche s’en alourdissait, fière de sa portée.

L’hiver, qu’elle avait d’abord craint, leur permis de gagner en intensité, en force. Même s’ils restaient clos, fermés comme les poings serrés d’un enfant qui vient de naître, Julia sentait en eux toute la vigueur nécessaire à leur épanouissement.

Au printemps, elle devinait déjà le dessin de fines lignes claires, qu’elle imaginait représenter le pourtour des pétales.

Je vais devenir une jeune fille en fleur. Julia riait de cette idée sotte. Elle, héroïne d’un roman de Marcel Proust ? Alors, dans sa chambre inondée par les accents printaniers d’une lumière douce, elle dansait nue, branches déployées, et ses bras ondulant à la manière des indiennes, au rythme imposé par les notes aigrelettes des merles, qui aimaient se poser sur le rebord de sa fenêtre, la tête penchée, un rien étonnés par cette valse onirique dans laquelle s’élançait ce couple étrange, cette jeune femme, si belle, et ce rosier vigoureux.


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