Magazine Journal intime

Parce qu'on y rangerait des crayons

Publié le 31 octobre 2008 par Ohlebeaujour

Parce qu'on y rangerait des crayons

photo de *Georgi ©

Après la prise de bec entre Nicole Hibert et Raymond Barre, voici l'histoire de monsieur Fonfon, racontée par Nicole:


« Le chausseur de la Rue Croix Verte s'appelait monsieur Fonfon. Mado n'avait pas d'argent pour acheter des chaussures, alors quand on achetait des chaussures, c'était un événement. Et pour Raymond, et pour elle, et pour moi. Mais comme moi j'étais enfant, j'avais les pieds qui grandissaient donc y avait un problème de chaussures. Et il fallait des chaussures qui ne fassent pas mal aux pieds, qui soient jolies et puissent faire pour toutes les circonstances, donc en principe elles étaient vernies. Des baby vernies. Tu sais, ces chaussures avec une lanière, une bride comme ça. Et monsieur Fonfon était un homme charmant. Sa femme et lui étaient délicieux. Ils faisaient aussi les marchés avec leur camion et tout ça, mais ils avaient un magasin de chaussures rue Croix Verte, à l'endroit où actuellement est un marchand de voyages. A chaque nouvelle saison, il mettait en place des chaussures qui avaient l'air formidables. Mado portait à l'époque des talons aiguilles, mais bon, elle les économisait. En déménageant de la Maison des Jeunes à la rue Pierre de Coubertin, elles sont parties dans le décor. Aujourd'hui ça vaudrait un trésor parce qu'on y rangerait des crayons. Tu sais, elle avait des talons aiguilles magnifiques, Mado. Elle marchait très bien là-dessus. Elle dansait la valse là-dessus. Alors monsieur Fonfon avait la mission difficile de me chausser. J'avais toujours mal aux pieds, j'avais du mal à marcher, je... enfin, c'était pas simple, cette histoire. Quand Mado payait une paire de chaussures pour Raymond, pour elle ou pour moi, j'avais droit à un ballon rouge. Magnifique, énorme, gigantesque. J'avais la passion des ballons rouges. Ca m'enchantait. Ca m'en-chan-tait! Je ne peux pas dire ce que ça me faisait. Pourtant j'avais horreur des manèges et tout ça. Mais les ballons rouges... J'avais vu ce film extraordinaire Le Ballon Rouge où l'on voit ce ballon qui va jusqu'en Chine. J'avais vu ce film. Je pense que ça n'était pas étranger à ça. Mon imagination fonctionnait beaucoup par rapport à la littérature et aux quelques films que j'avais vus, qui m'avaient vraiment marquée. Et alors ce ballon, tu le tenais comme ça. Tu tenais la ficelle. Je n'ai jamais compris par quel miracle le ballon était en l'air. Je gardais ce ballon rouge jusqu'au dernier moment, et puis il arrivait toujours un matin où je décidais de le lâcher. J'espérais qu'il aille jusqu'en Chine. Voilà. Donc j'écrivais quelque chose sur le ballon. La plupart du temps, c'était « je m'appelle Nicole Hibert ». Ce n'était pas très modeste. J'écrivais mon nom et je lâchais le ballon. Malheureusement, il n'est jamais rien arrivé de Chine.
Monsieur Fonfon, je l'aimais beaucoup. Il faisait partie de ces gens du quartier qui étaient des merveilles. »


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