Encore que je préfère " Me prends pas pour un jambon", mais à ma connaissance, la fête du jambon n'existe pas ou est très peu médiatisée.
Et honnêtement, me balader dans les rues à la recherche de la tranche grasse, je trouve moyen comme concept.
Quoi qu'il en soit, hier, les rôles se sont inversés à la maison, où l'ambiance est à la bâche.
Une semaine que mon troupeau d'hormones mâles est en vacances.
Et une semaine qu'il ne lève pas une paille.
Infériorité sexuelle, je pourrais m'enchaîner à la machine à laver et entamer une grève ménagère que ça n'y changerait rien.
Puisqu'actuellement, je suis à deux doigts d'être retenue pour le casting de "C'est du propre", tellement le linge à laver et à plier prend une place prépondérante partout sauf dans les placards.
Tellement y a plus rien à bouffer de varié, neuf jours de nouilles au compteur, excepté la lotte à la moi d'hier soir, que j'ai cuisinée uniquement parce que je voulais tromper mon ennui.
Tellement que l'aspirateur lui-même est plein de poussière.
Ils s'en foutent.
Ils restent en pyjama, se régalent de sucres lents et donnent de grands coups de latte à l'aspiro.
M'énerve.
En plus, j'ai aucun argument.
TOUS les devoirs sont faits.
Là, ils m'ont bien eue.
Le benjamin les a faits sitôt sorti du bus vendredi dernier, par chance, l'instituteur, le maître, enfin, celui qui leur apprend ce que je ne sais plus faire, les a épargnés sur ce coup-là, merci bien pour la solidarité.
Le centriste, quant à lui, s'est toujours avancé dans son boulot et n'a pas dérogé à la règle. Il a même fait son sac pour la rentrée. Il m'agace lui.
L'aîné, quant à lui, lève les mains en l'air, innoncent.
Le seul boulot qu'il a à faire, c'est de lire "La vie devant soi", dont il a attendu mardi pour me dire qu'il fallait le commander.
Ce que j'ai fait.
Et jusqu'à hier, j'ai fait comme Charles.
Déjà sept jours que je recommande de plus en plus vivement à cet individu dont la mutation m'inquiète qu'il pourrait profiter de l'attente de la commande pour revoir ses cours, les classer dans le trieur à douze Euros qu'il ne retrouve déjà plus dans sa déchetterie, qu'il pourrait éventuellement ranger entre douze et vingt-trois heures, plage horaire de ses activités verticales.
Sept jours qu'il lève les mains en l'air. Innocent.
"J'attends le bouquin, j'y peux rien si chez Amazon, ils branlent rien. Pour la chambre, je le ferai la veille de partir, ça sert à rien là. Les cours, j'ai tout oublié à l'internat."
Hier, alors que je ne m'y attendais pas, le soutien est venu de l'autre côté du domaine conjugal.
"Bon là, ça commence à gonfler les prétextes en bois. T'attends pas le livre, tu vas ranger ton bordel, ouvrir les fenêtres ou faire sortir le fennec mort sous ton lit et réviser. Si j'entends le chant du ventilo de ton pc, il passe par la fenêtre, formaté."
Pendant que, sur le long chemin qui mène jusqu'à la boite aux lettres, je soupirais de soulagement qu'enfin, quelqu'un d'autre que moi lui tombe sur la moustache naissante qu'il rase déjà deux fois par jour, les deux tiers restants de la fratrie sortaient de leur léthargie.
"Puisque tu vas aux courses, tu pourras me ramener de la Patafix?
-Encore?
-Non, déjà? Tu lui en ramènes à chaque fois, et moi, tu oublies tout le temps mon bic 4 couleurs, mais bon, je suis pas jaloux."
Je feins l'ignorance au moment où, ouvrant la porte de la boite aux lettres, je savoure déjà la victoire imminente que ce que je vois me procure.
Je reviens en courant, avec le courrier dans mes mains tremblantes.
Du côté des chambrées, ça continue de gueuler.
"Mais papa, je te dis que j'ai pas mes cours.
-T'as qu'à reprendre ceux de l'an dernier, me semble que de larges impasses sont à rouvrir."
J'attends le soupir de l'un sur la reprise du souffle de l'autre et fais mon entrée théâtrale.
"Tiens, là, tout de suite, t'as des devoirs"
Et plaf.
Je lui jette "La vie devant soi" sur le clavier.
Calmé le fauve acnéique.
Bâché l'ado rebelle.
Cassé le feignasse.
Sinon, j'ai acheté plein de bonbons pour ce soir.
Pas pour Halloween.
Pour moi.