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Thoby ne savait rien

Publié le 01 novembre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Thoby ne savait rien. Discret, il ne s’étonnait pas des attitudes furtives que suivait Julia, quand il s’en approchait par surprise. Des bruissements de feuilles, parfois, murmuraient à ses oreilles, mais jamais, il n’en devinait la cause, et Julia, farouche, fuyant comme un jeune animal sauvage, s’amusait alors à lui faire perdre ses repères. En riant, il s’élançait pour la suivre, et elle, dans un mouvement irréel, se blottissait contre lui, avant même qu’il ait pu comprendre la trajectoire de leur corps. Puis leur regard se noyait, dans des profondeurs insondables et Thoby se laissait emporter, barque frêle et légère sur une mer aimante, au-delà de tout rivage.

Du mariage, Julia ne se rappelait plus vraiment qui en avait porté l’idée le premier. Elle, peut-être, pour fuir vers des ailleurs un peu moins étouffants, malgré la crainte que son rosier lui imposait. Ou Thoby, si amoureux, dont l’intuition lui rappelait sans cesse le caractère éphémère de certain bonheur, rapide comme le froissement des lumières sur le passage des licornes. Mais Jeanne, comme Hermann, avaient applaudi à ce désir d’union, pour des raisons, certes bien opposées, mais qui les avaient finalement rapproché, dans la préparation de la fête.

Beaucoup d’invités se pressaient sur le parvis de Notre Dame, très guindés pour la plupart, issus de la grande famille d’Hermann, que Julia ne connaissait guère, et de celle de Thoby. Seuls, Anna et Georges, parce qu’ils vivaient toujours dans « la Maison du Bonheur » formaient pour Julia un petit bout de famille. Des autres, elle s’en amusait. Elle riait de leurs airs pincés, à la façon des paons, et elle s’imaginait soulever soudain sa jolie robe de soie blanche, pour leur montrer à tous son rosier couvert de boutons éclatants. Elle les voyait s’enfuir, les chapeaux des dames flottant dans la douce lumière de mai, les hommes levant les bras, en poussant de petits cris incongrus, et elle, Thoby accroché à son épaule, les saluant de la main, avec ironie.


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