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Le discours du prêtre

Publié le 02 novembre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Le discours du prêtre lui rappelait cet autre curé, celui de son enfance, qui avait béni son rosier. Et si chaque goutte de cette eau, en retombant sur chacun des invités, faisait éclore à son tour un petit arbre au creux de chaque ventre ? Si cette foule assise, avec son air benêt et condescendant, se transformait en forêt, dans laquelle elle pourrait emmener Thoby, courrir ensemble jusqu’au fond du bois épais, à la rencontre d’animaux sauvages et bienveillants, s’asseoir à même l’humus d’une clairière verdoyante, et discuter avec les lièvres et les écureuils ? Thoby se penchait vers elle, un peu inquiet :

Pour les alliances, disait-il, je ne me souviens plus qui doit commencer.

Elle haussait les épaules, et soulevant le voile de dentelle qui grillageait son visage, en guise de réponse, elle posa sur les lèvres de Thoby un baiser vaporeux, un souffle léger, qui surpris le prêtre au milieu de ses incantations. Il rougit, reprit ses esprits, se mélangea dans les formules, et finit par refermer son gros livre, le visage renfrogné.

Une lumière bleutée filtrait à travers la rosace, dans laquelle tourbillonnaient des milliers de grains minuscules. Pourrait-il s’agir de planètes microscopiques, peuplées d’humanités comme nous, avec des mariages, des fêtes, des gens vaniteux et remplis d’importance, assis sur de petites chaises d’églises, qui chanteraient pour la postérité ? Qu’en pensait Thoby ? Elle le lui demanda à l’oreille mais il ne la comprit pas. Les alliances tournaient dans sa poche, et il ne savait pas trop comment s’y prendre. Mais personne n’y pris vraiment garde, et les orgues explosèrent de notes miraculeuses, déchirant l’air avec fulgurance, vibrionnantes de toute part.

Julia aperçut même une souris grise, qui se régalait des restes d’hosties tombées par terre. Elle s’en félicitait joyeusement, pendant que Thoby, sous les cris et les vivas, l’emmenait doucement vers le soleil. Que de monde ! Elle clignait des yeux, soudain aveuglée par la lumière blanche du parvis. Thoby souriait, lui souriait, et elle l’embrassa avec fougue. Elle le trouvait très beau.


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