Voici quelques années de cela, j'assistais à la première d'une pièce adaptée de Pawana. A l'issue de la représentation, les spectateurs privilégiés traînaillaient dans le dédale de l'Espace Cardin, trinquant avec Machin, papotant avec Bidule en gardant un oeil avide sur Truc, la vedette de télévision, ou sursautant quand les flashes crépitaient pour Chose, l'égérie de Tartempion.
Le coeur et l'esprit plus chamboulés par les mots de Le Clézio que par le champagne servi à flots, je me fraie un chemin pour saluer ce grand monsieur (par la taille et le talent). Simplement lui serrer la main. Lui broyer la dextre, comme dit parfois Obaldia.
Dans les salons de l'Espace Cardin, c'est à qui pourra s'incruster au dîner royal, s'asseoir à la table de Pierre Cardin ou de Tartempion. Pour m'amuser, j'irai d'ailleurs faire tinter ma flûte avec celle de Truc.
A la surprise générale, Jean-Marie Le Clézio accepte un verre de jus de fruits et décline l'invitation à dîner. Il part sur la pointe des pieds. Les mondanités, ça n'est pas pour lui.
Deuxième anecdote :
Un jour, mon amie Hélène me raconte... c'était chez Mollat, la librairie bordelaise. Jean-Marie Le Clézio y signait un de ses ouvrages. Il y avait foule. A l'issue de la rencontre, beaucoup de lecteurs et de journalistes souhaitent approcher l'écrivain. Mais il est occupé à bavarder avec une enfant. Autour de Le Clézio et de cette enfant, plus rien n'existe. Ils sont en grande conversation. Perplexe, un journaliste les prend en photo. Hélène roule des yeux comme des soucoupes. Cette enfant, c'est sa fille Anna. La suite de l'histoire : une correspondance au long cours entre l'enfant devenue jeune femme et l'auteur. Anna couve secrètement son courrier et ne s'en est jamais ouverte à personne. Seule sa mère, fière comme une papesse, narre l'anecdote à un ami de-ci, de-là.