Magazine Journal intime

Du monachisme orthodoxe

Publié le 05 novembre 2008 par Moinillon

Une vieille dame me demandait un jour à quel ordre monastique j'appartenais. La dame étant russe, quoique vivant depuis longtemps aux États-Unis, j'ai été surpris par sa question. Dans un livre incontournable, Vladimir Lossky explique bien et en peu de mots la situation.

Athos 1930La vie spirituelle dans l'Orthodoxie connaît une grande richesse de formes, dont le monachisme demeure la plus classique. Toutefois, contrairement au monachisme occidental, celui d'Orient ne comprend pas une multiplicité d'ordres différents. Cela s'explique par la conception même de la vie monastique, dont le but ne peut être que l'union avec Dieu dans le renoncement total à la vie de ce siècle. Si le clergé séculier (prêtres et diacres mariés) ou les confréries de laïcs peuvent s'occuper d'œuvres sociales ou se vouer à d'autres activités extérieures, il en est autrement des moines. Ils prennent l'habit avant tout pour vaquer à l'oraison, à I'œuvre intérieure, dans un cloître ou dans un ermitage. Entre un monastère de vue commune et la solitude d'un anachorète qui continue les traditions des Pères du désert, il y a plusieurs types intermédiaires d'institutions monastiques. On pourrait dire en général que le monachisme oriental est exclusivement contemplatif, si la distinction entre les deux voies, contemplative et active, avait le même sens en Orient qu'en Occident. En réalité, les deux voies sont inséparables pour les spirituels orientaux : l'une ne peut s'exercer sans l'autre puisque la maîtrise ascétique, l'école de l'oraison intérieure, reçoivent le nom d'activité spirituelle. Si les moines exercent parfois des travaux physiques, c'est surtout dans un but ascétique, pour arriver mieux à rompre la nature rebelle; aussi pour éviter l'oisiveté, ennemie de la vie spirituelle. Pour atteindre à l'union avec Dieu, dans la mesure où elle est réalisable ici-bas, il faut un effort continuel ou, plus précisément, une veille incessante à ce que l'intégrité de l'homme intérieur, « l'union du cœur et de l'esprit » (pour employer l'expression de l'ascétique orthodoxe) résiste à tous les assauts de l'ennemi, à tous les mouvements irraisonnés de la nature déchue. La nature humaine doit changer, elle doit être transfigurée de plus en plus par la grâce sur la voie de la sanctification qui a une portée non seulement spirituelle, mais aussi corporelle et, par là, cosmique. L'œuvre spirituelle d'un cénobite ou d'un anachorète vivant retiré du monde, même si elle reste inaperçue de tous, garde toute sa valeur pour l'univers entier. C'est pourquoi les institutions monastiques ont toujours joui d'une grande vénération dans tous les pays du monde orthodoxe. »

Vladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l'Église d'Orient, Ed. Aubier 1944,
Cerf 2008 p. 15.
photo : Mont-Athos, années 1930 (source : universalis.fr)

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