J’entends parler de cette potion magique miracle depuis quelques jours dans mon entreprise. Dans les couloirs, devant la machine à café, aux toilettes. C’est incroyable. Il parait qu’il est possible de perdre facilement du poids. Juste en buvant un produit lacté au goût chocolat. Candia a eu la bonne idée de distribuer des échantillons de son nouveau produit minceur à la sortie de certaines bouches de métro et compte sur le bouche à oreille pour propager la bonne parole. Mais si. Si si. La ménagère de moins de cinquante ans qui a le cancer de l’adipocyte localisé aux hanches, le trentenaire actif qui souhaite se débarrasser de ses petits bourrelets ou la quadragénaire au ventre qui pendouille et aux fesses molles sont les cibles de ce produit miracle contenant un principe actif exclusif et mystérieux, le Fabuless. C’est Fabuleux.
Mais qu’est-ce que le Fabuless? Juste une émulsion dite “huile dans eau” composée d’huiles de palme et d’avoine fractionnées (2,5%) incorporée dans une solution de lait à teneur réduite en lactose (95%), de poudre de cacao, de protéines de lait, d’extrait de thé vert, de stabilisants (E407, E460, E466), d’édulcorant et enfin d’antioxydant. Cette émulsion brevetée aurait été développée par une entreprise basée aux Pays-Bas et serait vendue comme régulateur de satiété. D’après Candia, Silhouette Active permet de retarder l’assimilation des aliments de quatre à huit heures, ce qui déclenche un signal de satiété en direction du cerveau et vous permet donc de réduire votre prochaine prise alimentaire. C’est donc la meilleure alternative à la lobotomisation ou à la suppression de l’estomac. C’est très simple, il suffit de consommer une ou deux briques de 20 ml par jour. Le Fabuless n’est pas un produit récent. Il a déjà été lancé dans de nombreux pays et même nommé aux trophées européens de l’innovation il y a deux ans. Innovation, cela veut dire tout et n’importe quoi. Parle-t-on d’innovation marketing ou d’innovation dans la gestion de l’embonpoint? J’ai bien ma petite idée.
Le plus irritant est certainement la mention “cliniquement prouvé”. Lorsqu’une étude clinique est réalisée, elle est strictement encadrée et les résultats doivent-être détaillés. Un nombre suffisant de sujets doit être inclus, des objectifs primaires et secondaires sont strictement définis, objectifs obéissants à des critères statistiques (oui c’est un peu chiant et ça file mal à la tête) très strictes. Associer la clinique à un produit de grande consommation lui donne une respectabilité et surtout laisse penser qu’il est vraiment efficace, à l’image des campagnes publicitaires Actimel (booster le système immunitaire avant l’hiver), Essensis (améliorer la qualité de la peau) ou enfin Danacol (faire baisser le taux du mauvais cholestérol). C’est le mélange des genres. On appelle cela un Alicament. La compagnie laitière reste vague sur l’emballage mais donne des références bibliographiques sur son site internet. Trois études dites cliniques sont citées. Elles remontent aux années 2000, 2001 et 2002 et sont publiées par une seule équipe britannique.
Une publication issue d’une revue dite “sérieuse” est facilement consultable (Burns et collaborateurs, 2000). Seuls 60 individus ont été inclus. Les fumeurs, les personnes obèses et les végétariens ne pouvaient pas y participer. Aucune personne n’a eu d’effets secondaires. Les résultats semblent indiquer que le produit aurait, selon certaines conditions (individus, régime alimentaire), un effet sur la satiété à court terme. Une question me gratouille donc le neurone. Si un produit montre une quelconque efficacité clinique, ne doit-on pas le considérer comme un médicament. Si oui, ne doit-il pas être prescrit par un médecin à des individus en ayant véritablement besoin? Enfin, la vocation d’un médicament est-elle de se retrouver au rayon frais entre deux paquets de Kinder Pingui et des briques de Tropicana? A quand une chimiothérapie vendue au rayon nouilles?
Comme tous les produits supposés aider à perdre du poids, il est conseillé de consommer le produit dans le cadre d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique normale. On continue à nous prendre pour des cons. Lorsqu’on respecte ces conditions, a-t-on vraiment besoin de perdre du poids? Enfin, la firme a rajouté à la formulation des extraits de thé vert, reconnus par Madame Michu pour faire fondre le gras, et propose un parfum chocolat pour associer plaisir et efficacité. Seulement voila, côté goût, c’est vraiment pas ça et on regrette vite son Grosquick chéri.
En même temps, si le produit était bon, il ne serait pas efficace, hein ma bonne dame?
J’ai comme une envie de Truffade. Là, tout de suite, maintenant.