En lisant Lettere luterane
A en croire Pasolini, l’un des thèmes les plus mystérieux de la tragédie grecque est la prédestination des fils à payer les fautes des pères. Il n’importe pas que ceux-ci soient coupables ou innocents: les fils subiront la fatalité des crimes de leurs pères. La chose lui a longtemps paru absurde, puis il y a trouvé lui-même un fondement de vérité à l’observation de la société actuelle, dont la jeunesse lui paraît, à l’opposé des images conventionnelles, une sorte de vaste secte se reconnaissant aux mêmes postures et aux mêmes vêtements, au même jargon vague et au même regard terni, comme vidé de toute flamme personnelle.
“Après avoir élevé des barrières tendant à reléguer les pères dans un ghetto, écrit Pasolini, ils se sont trouvés enfermés dans le ghetto opposé”, Grégaires comme on ne le fut jamais, parce que s’identifiant à des modèles standardisé, les jeunes seraient selon lui à la merci de leurs pulsions autant que des abstractions de l’idéologie, déracinés, trop impatients ou trop soumis, trop conformistes ou trop arrogants. Surtout, écrit Pasolini: “Ils sont l’ambiguïté faite chair”. Pour eux, l’intégration ne serait plus un problème d’éthique mais un simple “arrangement”. Leur révolte tendrait à se codifier jusqu’à la normalisation, et leur refus de toute forme aboutirait à la dissolution de toute individualité affirmée...