Dimanche 9 Novembre 2008
Aujourd’hui j’ai fait du jardinage, car il y en a des mauvaises herbes à arracher sur ta tombe papy. Trente cinq ans six pieds sous terre, à Montreuil, sur les hauteurs de la ville, où la bise du nord caresse les joues et grave dans le marbre nos larmes. Pourtant je ne t’ai jamais embrassé, je ne connais pas les nervures de ton sourire, tu restes pour moi un inconnu sur papier glacé.
Tu étais parait-il un jeune Breton aux cheveux d’une couleur entre le doré et le châtain clair et tu menais ta vie sans concessions cadastrées.
J’ai du mal à te retrouver, je hante un moment, comme un rat brun, les allées bordées de granits individuels ou lignagers; toi rongé par la peste, toi bouffée par un cancer, toi passé sous un train et à la postérité.
Enfin j’aperçois mon nom d’ancêtre en lettres d’or, Henri P, comme Putain de merde de vie qui fait crever les gens bien dans la force de l’âge et nous laisse mal, jusqu’à la mort.
Bon, j’ai fait ce que j’ai pu tu sais, j’ai planté sur la partie basse de la stèle une fougère indigène, histoire de te dire un peu qui je suis, puis j’ai admiré le silence, un peu comme dans une pépinière.
Après je ne sais quoi faire, je gratte mes ongles noircis de jardinier amateur, fier de mon arbre généalogique.
Grand-père, je suis enfin sorti de mon terrier, après toutes ces années à cultiver le remord et ma peine est désormais au repos, telle une jachère.